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Faire des mathématiques ou apprendre à compter ?

Les mathématiques de l’école primaire face à la démocratisation de l’accès à l’enseignement du second degré, 1945-1985

vendredi 30 mai 2014, par Renaud d’Enfert

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le mouvement de démocratisation de l’accès à l’enseignement du second degré – et plus spécifiquement à l’« école moyenne » – pose la question de la nature des contenus, des méthodes et des finalités de l’enseignement dispensés à l’école primaire élémentaire. Pour ce qui est des mathématiques, deux tendances se dessinent. D’un côté, la tendance dominante, après 1945, est au recentrage sur les apprentissages « de base » (étude des nombres, pratique des opérations, techniques de calcul) et à la réhabilitation du rôle de la mémoire, condition nécessaire, estime-t-on, d’une scolarité réussie dans l’enseignement secondaire. D’un autre côté, le mouvement en faveur des « mathématiques modernes », qui se développe dans les années 1950-1960 en même temps qu’évoluent les finalités de l’école primaire, change fondamentalement les données du problème : il ne s’agit plus de faire apprendre aux élèves des techniques de calcul et de résolution de problèmes en lien avec la « vie courante », mais de faire en sorte qu’ils fassent réellement des mathématiques, à l’instar du mathématicien lui-même, et en découvrent les concepts. Cet article se propose d’étudier les propositions et arguments formulés par les tenants des deux bords, ainsi que les évolutions du ministère de l’Éducation nationale sur cette question entre 1945 et 1985 [1].

L’enseignement primaire dans les années 1950 : faire acquérir les « mécanismes de base » pour préparer à l’enseignement du second degré

En France, la période qui s’ouvre à la fin de la Seconde Guerre mondiale se caractérise par une succession de projets de réforme générale du système d’enseignement – plus d’une dizaine –, qui trouvent leur concrétisation dans la réforme réalisée en 1959 par le ministre de l’Éducation nationale Jean Berthoin. Ces divers projets de réforme, et après eux la réforme de 1959, interviennent dans une période de forte croissance de la scolarisation post-élémentaire. Leur principal enjeu est la suppression de la séparation de l’enseignement en deux réseaux – l’enseignement primaire (court) pour les milieux populaires, l’enseignement secondaire (long) pour la bourgeoisie – qui prévaut depuis le XIXe siècle, et l’organisation, dans le cadre d’une scolarité obligatoire prolongée jusqu’à 16 ans [2], d’une école moyenne ouverte à tous les élèves, formant le premier cycle du second degré. L’école primaire élémentaire est directement concernée par la création de cette école moyenne pour tous, qui vise à démocratiser l’accès à l’enseignement du second degré : réduite à la tranche d’âge 6-11 ans, elle devient l’antichambre de cet enseignement du second degré auquel elle doit préparer et aux exigences duquel elle doit s’adapter. S’il lui devient moins nécessaire de donner à ses élèves le bagage de connaissances pratiques nécessaires pour « entrer dans la vie », elle se doit en revanche « d’établir les fondations solides et durables de tout l’édifice scolaire » [3].

Dans cette perspective, la réorganisation du système d’enseignement prévue puis mise en œuvre à partir de 1959 n’est pas sans conséquence sur les contenus et les finalités des différentes matières de l’école primaire. Plus précisément, les divers plans de réforme qui se succèdent au cours de la période font de l’acquisition de solides connaissances instrumentales, en français et en calcul, un préalable indispensable à une scolarité prolongée dans l’enseignement secondaire. Le plan d’Alger, remis en août 1944 au Gouvernement provisoire de la République française, envisage ainsi d’alléger le programme d’arithmétique et de géométrie et « de maintenir et renforcer les admirables traditions de soin et de scrupule dans le domaine de l’écriture, de l’orthographe, du calcul élémentaire ». Dans les années 1950, plusieurs projets de réforme prévoient que l’enseignement élémentaire doit assurer « l’acquisition des connaissances et des mécanismes de base », formule également reprise dans le décret du 6 janvier 1959 portant réforme de l’enseignement [4].

Cette priorité donnée aux apprentissages fondamentaux se concrétise dès 1945 [5]. Les horaires de calcul de l’école primaire augmentent de 20 à 50 % selon les classes et les nouveaux programmes mettent l’accent sur l’étude des nombres, la pratique des opérations et les techniques de calcul. Critiquant implicitement l’encyclopédisme des programmes d’avant-guerre mais aussi le recours aux méthodes actives qui était alors promu, les instructions ministérielles du 7 décembre 1945 indiquent vouloir rendre à l’enseignement primaire « sa simplicité et son efficacité anciennes en ce qui concerne l’acquisition des mécanismes fondamentaux » [6]. Lors de la réforme Berthoin de 1959, le ministère de l’Éducation nationale prône une nouvelle fois le recentrage sur les matières fondamentales : français et calcul, dont la bonne maîtrise est jugée nécessaire pour bien suivre en classe de sixième. En calcul, il faut que les élèves « n’hésitent pas sur le sens d’une opération arithmétique, qu’ils ne commettent pas des erreurs dues à une connaissance imparfaite des tables » [7]. Le retour au « par cœur » est même recommandé. Le responsable de l’enseignement primaire au ministère de l’Éducation nationale explique : « Mon premier devoir, envers les lycées et collèges, est de fournir aux classes de sixième des élèves valables, possédant les mécanismes de base » [8].

Alors que les instructions officielles de 1945 affirmaient « la volonté d’une relation étroite entre les mathématiques de l’école et les nécessités de la vie » , la généralisation de la poursuite d’études permet par ailleurs de débarrasser les programmes des questions pratiques et de reporter à une étape ultérieure de la scolarité l’acquisition de certaines notions dont l’étude est jugée trop précoce compte tenu de la maturité des élèves. De cette façon, les instituteurs pourront se concentrer davantage sur les mécanismes fondamentaux du calcul. Un rapport remis au ministère vers 1960 signale ainsi « les parties du programme de calcul qui semblent difficiles à assimiler par des enfants de moins de 11 ans », telles que la règle de trois (dont la suppression était réclamée), le calcul des pourcentages et des prix de vente, les fractions, les nombres complexes, ou encore les constructions géométriques [9]. En 1964, le ministère décide, non pas de supprimer, mais de rendre facultatives certaines parties du programme du cours moyen : celles portant sur des connaissances « pratiques » (intérêt simple, année commerciale, placement à court terme) ou dont l’apprentissage n’apparaît pas indispensable à ce stade de la scolarité. En contrepartie de quoi, les maîtres doivent « veiller […] à ce que toutes les notions dont l’étude est obligatoire soient parfaitement assimilées » [10].

Du « calcul » aux « mathématiques »

En réalité, ces mesures ne modifient guère la nature de l’enseignement mathématique de l’école primaire élémentaire, tel qu’il a été défini à la Libération : les contenus, même allégés, et les méthodes restent pratiquement inchangés. Comme le souligne un inspecteur général, les allègements de programme « ne sauraient suffire à faire du calcul tel qu’il est donné à l’école primaire, l’assise solide de l’enseignement mathématique ultérieur » [11]. De fait, les allègements de 1964 ne répondent pas à certaines critiques dont le programme de 1945 fait l’objet depuis le milieu de la décennie précédente, lesquelles stigmatisent son manque de rigueur et de cohérence mathématique [12]. Ils ne résolvent pas non plus la question de la continuité avec l’enseignement secondaire : voulu résolument concret, le programme de 1945 ne permettrait pas, même allégé, d’envisager une véritable « initiation mathématique » familiarisant les enfants avec l’abstraction qui prévaut dans le second degré. Face aux évolutions du système scolaire et aux transformations de l’enseignement mathématique dans le second degré, le programme et les instructions de 1945 sont jugés dépassés. L’introduction des « mathématiques modernes », qui mettent en avant la notion de structure et étudient les relations entre objets mathématiques plutôt que les objets eux-mêmes, semble dès lors susceptible de rompre avec leur caractère concret et pratique et d’en finir avec ses incohérences.

La question de l’introduction des mathématiques modernes dans l’enseignement primaire prend corps vers le milieu des années 1960. Les réflexions qu’elle suscite s’inscrivent dans un mouvement plus général, d’ampleur internationale, de rénovation de l’enseignement des mathématiques [13]. En France, l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP) est le fer de lance de ce mouvement de rénovation [14]. Estimant que la modernisation des programmes de mathématiques du secondaire ne peut porter ses fruits que si les élèves sont préparés à les recevoir, l’association milite pour « une meilleure coordination des réformes dans toutes les classes et en particulier une modernisation raisonnable des programmes des classes élémentaires » [15]et propose des projets de programmes pour les écoles maternelles et primaires. Parallèlement, l’Institut pédagogique national (IPN) mène une réflexion portant plus spécifiquement sur l’introduction des mathématiques modernes dans l’enseignement élémentaire en développant des expérimentations dans des écoles primaires.

Ces réflexions menées au sein de l’APMEP et de l’IPN sont reprises en 1969 par une commission ministérielle chargée, sous la présidence du mathématicien André Lichnerowicz, de réformer l’enseignement des mathématiques dans le primaire et le secondaire. Elles débouchent sur la publication, en 1970, d’un nouveau programme de « mathématiques » – et non de « calcul » comme en 1945 – pour l’école élémentaire, ainsi que de nouvelles instructions [16].

Les changements opérés sont justifiés par le prolongement de la scolarité obligatoire et la démocratisation de l’accès à l’enseignement du second degré, ainsi que par l’évolution de la « pensée mathématique » : « L’ambition d’un tel enseignement n’est donc plus essentiellement de préparer les élèves à la vie active et professionnelle en leur faisant acquérir des techniques de résolution de problèmes catalogués et suggérés par la "vie courante", mais bien de leur assurer une approche correcte et une compréhension réelle des notions mathématiques liées à ces techniques » [17]. Sous la double influence des mathématiques structurales et de la psychologie génétique de Jean Piaget, les apprentissages se veulent adaptés aux différentes étapes du développement de l’enfant. L’apprentissage de la numération n’est plus basé sur le système métrique – son étude est d’ailleurs réduite à la portion congrue – mais sur des activités de groupement d’objets. De même, la règle de trois et les pourcentages cèdent leur place aux notions plus générales de relation numérique (représentée par des tableaux de nombres) et de proportionnalité. En géométrie, l’étude des propriétés des figures est privilégiée, et les exercices de repérage, sur une droite ou sur un quadrillage, sont introduits.

Modernisation des contenus et rénovation des méthodes ont partie liée. Il ne s’agit plus de privilégier les exercices systématiques et le « par cœur » comme le recommandait le ministère à l’orée de la décennie 1960, mais de donner place à une pédagogie active, fondée sur les capacités d’invention et d’abstraction des enfants et faisant appel au travail en équipe. Cette approche s’inscrit dans le cadre plus général de la « rénovation pédagogique » entreprise par le ministère depuis 1969. Elle vise aussi, plus spécifiquement, à faire en sorte que les élèves puissent vraiment « faire » des mathématiques, c’est-à-dire découvrir et comprendre, à l’instar du mathématicien, les concepts fondamentaux des mathématiques, et à favoriser la « maîtrise d’une pensée mathématique disponible et féconde ». L’acquisition des techniques opératoires en sera facilitée : « Les techniques usuelles concernant les opérations […] seront d’autant mieux acquises que les enfants, au lieu de les apprendre de façon purement mécanique, les auront découvertes par eux mêmes comme synthèses d’expériences effectivement réalisées, nombreuses et variées » [18].

Entre remise en cause et consolidation

Dans les années qui suivent son officialisation, le programme de mathématiques de 1970 fait l’objet de nombreuses critiques, qui sont partie prenante d’une dénonciation plus générale – et largement médiatisée – de la réforme des « mathématiques modernes » dans son ensemble. Certaines de ces critiques sont radicales : en mettant l’accent sur la compréhension et le raisonnement plutôt que sur l’acquisition des automatismes (notamment les tables de multiplication), la modernisation des programmes aurait conduit à oublier que « la mission de l’école primaire est d’apprendre à compter dans notre bon vieux système décimal » [19]. La presse va même jusqu’à imputer le suicide d’un instituteur, en janvier 1972, au fait qu’il aurait été « très affecté par l’enseignement moderne des mathématiques à l’école élémentaire » [20]. D’autres critiques, éventuellement formulées par des acteurs de la réforme, en pointent les dysfonctionnements et les excès. Un inspecteur général n’hésite pas à parler de « perversion pédagogique » à propos de la place excessive accordée par les instituteurs au vocabulaire et aux symboles ensemblistes, ainsi qu’au calcul dans des bases autres que 10. Il dénonce également le recours quasi-systématique au travail sur fiche que les promoteurs de la réforme ont popularisé, via les éditeurs scolaires, pour favoriser l’autonomie des élèves [21].

La réforme des programmes lancée par le ministre de l’Éducation René Haby dans la deuxième moitié de la décennie 1970 constitue une première réponse à cette série de critiques. Nommé en mai 1974, R. Haby engage aussitôt une réforme d’ensemble, qui touche simultanément à l’organisation du système scolaire – la mesure la plus emblématique est la suppression des filières du premier cycle qui donne naissance au « collège unique » – et aux contenus d’enseignement. Pour ce qui est de l’enseignement primaire, la nouvelle législation (loi du 11 juillet 1975) affirme nettement la priorité accordée aux apprentissages instrumentaux : français et mathématiques sont placés en première position dans l’énumération des différents éléments de la « formation primaire ». Le décret du 28 décembre 1976 stipule en outre que « la formation primaire assure la pratique courante […] du calcul et des opérations simples des mathématiques » [22].

En fait, le nouveau ministre souhaite réhabiliter l’apprentissage des techniques et des mécanismes opératoires, que le programme de mathématiques de 1970 est accusé d’avoir conduit à délaisser. Certes, estime-t-il, les notions modernes peuvent utilement contribuer à la formation de l’esprit, mais elles ne doivent ni minorer la part dévolue à l’acquisition des mécanismes, condition d’une bonne réussite scolaire dans l’enseignement secondaire, ni se substituer aux connaissances de calcul utiles pour la vie courante [23].

De nouveaux programmes de mathématiques pour l’école primaire sont publiés entre 1977 et 1980. Dans le même temps, l’horaire hebdomadaire dévolu à la discipline est une nouvelle fois augmenté : déjà porté à 5 heures par semaine (sur 27) dans toutes les classes primaires en 1969, il atteint désormais 6 heures (ce qui correspond à une augmentation globale de l’horaire de 40 % par rapport à 1945). Toutefois, la rupture avec le programme de 1970 n’est pas aussi prononcée que l’avait initialement souhaité le ministre : loin d’être un retour au calcul traditionnel, la réforme de 1977-1980 conforte celle de 1970 autant qu’elle l’infléchit. D’un côté, bon nombre d’approches « modernes » sont conservées, telles que les exercices de classement pour aborder la notion de nombre, le maniement de bases autres que 10 pour l’apprentissage de la numération, ou encore l’utilisation des fonctions numériques pour introduire la proportionnalité. D’un autre côté, les nouveaux programmes insistent fortement sur l’acquisition des techniques opératoires et sur leur entretien tout au long de la scolarité primaire, sur la mémorisation des tables d’addition et de multiplication, ainsi que sur la pratique du calcul mental – ce qui n’exclut pas, au cours moyen, le recours à la calculatrice électronique, apparue au milieu des années 1970. Le système métrique reprend de l’importance dans le cadre des activités de mesurage, elles-mêmes plus diversifiées. L’enseignement proposé ne se limite pas toutefois à l’acquisition de techniques : il doit aussi participer à la « formation de la pensée logique » et, au cours moyen, amener les élèves à un « premier niveau d’abstraction ». Les références aux pédagogies actives sont nombreuses. Le travail en groupe est recommandé, de même que l’étude de « situations-problèmes » en vue d’introduire de nouvelles connaissances mathématiques, de réinvestir les acquis antérieurs, mais aussi de favoriser chez les élèves des attitudes de recherche raisonnée.

La véritable inflexion intervient en 1985 avec le ministre de l’Éducation nationale Jean-Pierre Chevènement. Celui-ci veut renouer avec les valeurs de l’école de la Troisième République – selon lui, la mission première de l’école est d’instruire – et soustraire les instituteurs à « l’inspiration pédagogiste » des instructions antérieures [24]. Les contenus et les approches « modernes » voient leur place fortement minorée au profit d’une vision plus classique de l’enseignement mathématique – la plupart des références aux théories ensemblistes disparaissent. Par la suite, les réformes s’enchaînent (1995, 2002, 2008), marquant un mouvement de balancier plus ou moins prononcé entre la volonté de (re)centrer l’enseignement mathématique sur les apprentissages fondamentaux, les « savoirs essentiels » [25], et celle de faire de l’école élémentaire le lieu où « commencent véritablement les mathématiques et leurs modèles » [26].

* * * * * *

Dans les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale, les projets de réforme puis les réformes visant à élargir l’accès à l’enseignement du second degré posent la question de la contribution des disciplines scolaires au mouvement de démocratisation de l’enseignement. Pour répondre à cette question, deux conceptions distinctes de l’enseignement mathématique à l’école primaire apparaissent. Une première conception, plutôt traditionnelle, domine depuis l’immédiat après-guerre jusqu’aux début des années 1960 : considérant que la répétition et la mémorisation sont le meilleur moyen d’asseoir durablement les savoirs, elle place au premier plan l’acquisition des mécanismes fondamentaux du calcul et ne remet pas fondamentalement en cause les contenus et les méthodes d’enseignement qui ont prévalu jusqu’alors. Une seconde conception, plus novatrice, se fait jour dans les années 1960 : prônant tout à la fois une modernisation des contenus et une rénovation des méthodes, elle privilégie la découverte des structures mathématiques et la compréhension des concepts plutôt que l’apprentissage des techniques de calcul, et vise le développement de la réflexion et l’épanouissement de l’enfant. Ces deux conceptions correspondent également à deux conceptions du curriculum mathématique global. La première maintient une coupure franche entre l’école primaire, lieu d’un enseignement concret où les élèves apprennent à compter et à calculer, et l’enseignement secondaire, où les élèves commencent à « faire » des mathématiques et sont amenés progressivement vers l’abstraction. La seconde souhaite au contraire établir une continuité curriculaire entre le monde primaire et le monde secondaire, ce que traduit alors le slogan de l’APMEP : « De la maternelle aux Facultés » : au lieu de considérer l’acquisition des mécanismes fondamentaux du calcul comme un préalable à l’apprentissage des « mathématiques », elle propose que les élèves puissent « faire » des mathématiques dès l’école primaire. Depuis la fin des années 1970, l’enseignement mathématique de l’école primaire oscille entre ces deux conceptions, qui restent ainsi en tension.


[1Outre le titre, ce texte reprend des éléments de : Renaud d’Enfert, « Doing math or learning to count ? Primary school mathematics confronting the democratization of access to secondary education in France, 1945-1985 », in Kristin Bjarnadóttir, Fulvia Furinghetti, José Manuel Matos, Gert Schubring "Dig where yous stand" 2. Proceedings of the Second International Conference on the History of Mathematics Education, Caparica, UEID, 2012, p. 149-164.

[2La réforme Berthoin de 1959 établit l’obligation scolaire pour tous les enfants de 6 à 16 ans nés à partir de 1953. Cette obligation ne concernait auparavant que les enfants de 6 à 14 ans.

[3

[4Luc Decaunes, Marie-Louise Cavalier, Réformes et projets de réformes de l’enseignement français de la Révolution à nos jours (1789-1960). Étude historique, analytique et critique, Paris, IPN, 1962.

[5Le gouvernement de Vichy avait enclenché ce mouvement pendant la Seconde Guerre mondiale, mais pour des raisons différentes.

[6Instructions du 7 décembre 1945 relatives à l’application de l’arrêté du 17 octobre 1945 fixant les horaires et les programmes des écoles primaires, BOEN, n° 3, 10 janvier 1946, p. 91.

[7Circulaire du 19 octobre 1960 relative à l’enseignement du français et du calcul dans les classes primaires, Bulletin officiel de l’Éducation nationale, n° 37, 24 octobre 1960, p. 3109.

[8Michel Lebettre, « Primauté du français et du calcul », L’Éducation nationale, n° 30, 3 novembre 1960, p. 10.

[9Roger Gal, « Recherche sur le passage du cycle élémentaire au cycle d’observation dans les perspectives de la réforme », s.d. (vers 1960). Archives nationales, 19880135/4.

[10Circulaire du 20 juillet 1964 sur le calcul et la grammaire au CM2, Bulletin officiel de l’Éducation nationale, n° 30, 30 juillet 1964, p. 1795-1798.

[11Marius Beulaygue, « Rapport de monsieur l’inspecteur général Beulaygue », 22 octobre 1962, Archives nationales, 19780269/1.

[12Voir par exemple François Brachet, « Fractions et règles de trois », in François Brachet, Henri Canac, Eugène Delaunay, L’Enfant et le nombre. Éléments pour une pédagogie du calcul élémentaire, Paris, Didier, 1955, p. 79-99 ; J. Lasalmonie, « Le calcul à l’école élémentaire », L’Éducation nationale, n° 799, 6 octobre 1966, p. 9-11.

[13Hélène Gispert, « Rénover l’enseignement des mathématiques, la dynamique internationale des années 1950 », in Renaud d’Enfert, Pierre Kahn (dir.), En attendant la réforme. Disciplines scolaires et politiques éducatives sous la Quatrième République, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2010, p. 131-143.

[14Éric Barbazo, Pascale Pombourcq, Cent ans d’APMEP, Brochure APMEP n° 192, 2010.

[15Gilbert Walusinski [Evaristovich Duponski], « Lyon, 18, 19 et 20 février 1965 », Bulletin de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, n° 248, avril 1965, p. 372.

[16Circulaire du 2 janvier 1970 sur l’enseignement des mathématiques à l’école élémentaire, BOEN, n° 5, 29 janvier 1970, p. 349-385.

[17Ibid., p. 349.

[18Ibid., p. 360.

[19Jean-Pierre Turner, « Progrès ou impasse pédagogique ? », Sciences et Avenir, n° spécial hors série 11 « La crise des mathématiques modernes », 1973, p. 65.

[20Le Monde du 19 janvier 1972, reproduit dans Josiane Hélayel, « La presse écrite et les mathématiques modernes autour de 1970 : quelques exemples », in Hélène Gispert (dir.), L’école et ses contenus. Recherches historiques sur le XIXe et le XXe siècles, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 91

[21Roger Duma, Mathématiques à l’école élémentaire, Conférence de M. l’inspecteur général Duma, Nancy, CRDP, 1973.

[22Décret du 28 décembre 1976 relatif à l’organisation de la formation dans les écoles maternelles et élémentaires, BOEN, n° spécial, 6 janvier 1977, p. 4577.

[23René Haby, « Exposé devant l’association des inspecteurs généraux, Sèvres, 14-18 octobre 1974 », Archives nationales, 19790792/1. Voir également René Haby, Propositions pour une modernisation du système éducatif, Paris, La Documentation française, 1975.

[24Philippe Barret, La politique éducative du gouvernement de la France de juillet 1984 à mars 1986. Le ministère de Jean-Pierre Chevènement, Thèse de doctorat de l’université Paris 8, 1988, p. 183.

[25François Bayrou, « Intervention à la maison de la Chimie – Les propositions (9 mai 1994) », BOEN, n° 20, 19 mai 1994, p. 1418-1446.

[26Arrêté du 25 janvier 2002 fixant les programmes de l’école primaire, BOEN, n° 1, 14 février 2002, p. 40.