Accueil > Notes de lecture > École : la révolution du droit à la réussite

École : la révolution du droit à la réussite

Compte rendu

mardi 22 mars 2011, par Tristan Poullaouec

« Bâtir une école commune », qui garantisse réellement le droit à la réussite scolaire de tous les élèves, en les conduisant, sans redoublements, ni groupes de niveaux, ni filières de 3 à 18 ans, jusqu’à un « baccalauréat de culture générale » comprenant des enseignements technologiques : c’est bel et bien à une révolution scolaire qu’invitent Bernard Calabuig et José Tovar dans leur nouveau livre (Faites chauffer l’école. Principes pour une révolution scolaire, aux éditions Syllepse, après "L’école en quête d’avenir", chez le même éditeur en 2007).

Il s’agit en effet de rompre avec « le modèle de l’école dite ‘‘unique’’ » et avec son « leurre », c’est-à-dire le principe concurrentiel de « l’égalité des chances », où les élèves sont « ‘‘à égalité de droits’’ sur la ligne de départ », mais où « ce sont toujours les mêmes qui sont les premiers sur la ligne d’arrivée, les mêmes qui accèdent aux filières gratifiantes et socialement prometteuses, et les mêmes qui sont éliminés en cours de route ». Après quarante ans de fonctionnement, ce « système éducatif est aujourd’hui à bout de souffle ». La première partie du livre en dresse un état des lieux précis en faisant retour sur « les fondements de l’école ségrégative », aux débuts de la cinquième République.

Car ses limites ne résultent pas seulement de l’insuffisance des moyens ou de l’offensive néolibérale actuelle : « l’incapacité de l’école à créer les conditions pour que les élèves issus des milieux populaires réussissent massivement des études secondaires et supérieures de qualité est la cause fondamentale de la crise globale dont souffre aujourd’hui le système éducatif ». Pour les auteurs, ce constat n’implique aucun fatalisme et l’ambition d’une école commune dans une société inégale n’a rien d’illusoire. La seconde partie s’attache au contraire à en établir les conditions de possibilité et à en dégager une perspective crédible autour de trois idées fortes : « refonder un projet culturel pour l’école » (chapitre 3), « refonder la formation des enseignants » (chapitre 4), et « assurer une formation professionnelle initiale de qualité pour tous » (chapitre 5). Les lecteurs convaincus de la nécessité de démocratiser l’école y trouveront largement matière à réfléchir. Mieux : à élaborer ensemble les « contours d’une école de l’intelligence, de la culture et de la professionnalisation pour tous et toutes », ainsi qu’y appelle l’épilogue.

Insistons ici sur les points de départ de toutes ces pistes, « dont tout le reste dépend » (chapitres 1 et 2). Il convient d’abord de se débarrasser du préjugé tenace du handicap socioculturel et de prendre acte de l’éducabilité universelle. Si tous les élèves ont les ressources intellectuelles pour apprendre, « les raisons de l’échec scolaire de masse sont donc à rechercher en priorité dans l’école ». Il faut ensuite admettre que « les stratégies institutionnelles de diversification des voies de la réussite […] n’ont fait que s’attaquer – sans succès notable – aux effets de l’échec scolaire : il est temps aujourd’hui de s’attaquer clairement à ses causes ». Il importe enfin de reconnaître que la concurrence scolaire n’est pas indispensable aux apprentissages : « déchargée de toute obligation de notation, de classement et d’orientation, l’école commune assurera à tous les élèves un parcours scolaire continu essentiellement fondé sur le suivi personnalisé de chaque élève et la capacité à réparer les défaillances […] constatées dans les apprentissages ».


Voir en ligne : Les éditions Syllepse


Ce compte rendu est paru dans L’Humanité du 21/03/2011.