Accueil > Politiques scolaires > Gestion des parcours scolaires > Rythmes scolaires, ni faits ni à faire !

Rythmes scolaires, ni faits ni à faire !

vendredi 15 novembre 2013, par José Tovar

Depuis plusieurs semaines, à l’initiative d’enseignants, de parents d’élèves voire même, dans certaines villes comme Aubervilliers, d’animateurs, se développent des mouvements de protestation contre la réforme dite des « rythmes scolaires », engagée par nombre de municipalités dès la rentrée scolaire 2013. La plupart des commentaires sur cette affaire mettent l’accent sur les effets insupportables pour les élèves et l’ensemble de la communauté éducative – différents selon les communes et les populations concernées – des modalités de mise en œuvre de cette nouvelle organisation du temps scolaire hebdomadaire étalé sur quatre jours et demi - dont le mercredi matin – au lieu de quatre auparavant. L’absence de moyens et l’insuffisance de la concertation entre tous les partenaires intéressés sont mises en cause. Ici, on constate que les enfants ne se voient proposer qu’un peu de garderie. Ailleurs, ce sont au contraire la multiplication des activités et la fatigue accrue des élèves qui sont dénoncées. Ailleurs encore les horaires aberrants, le manque d’animateurs qualifiés ou l’inadaptation des locaux. Dans une telle situation, le gouvernement semble se priver de la possibilité même d’engager une transformation qualitative d’ampleur du système scolaire, s’attaquant simultanément aux inégalités territoriales, aux incohérences des programmes et aux insuffisances de la formation.

A y regarder de plus près, on peut d’ailleurs se demander si la désorganisation actuelle n’aurait pas vocation à s’installer durablement comme une modalité de gestion du système scolaire, avec une disparité accrue des moyens mis à disposition des écoles et des familles, et toute une série d’ajustements locaux portant sur les savoirs enseignés et ceux délégués au périscolaire. Est-il vraiment question ici d’une tentative de réforme dans l’intérêt de l’enfant, ou n’avons-nous pas affaire aux prémisses d’une véritable réforme structurelle du système éducatif à venir dans le cadre de la loi de décentralisation organisant l’éclatement du service public national en unités géographiquement plus restreintes , par exemple à l’échelle des régions ? La territorialisation des politiques éducatives est devenue pour l’État depuis des décennies un objectif récurrent, un moyen privilégié de se désengager et de limiter les dépenses budgétaires. Alors que chacun sait bien que les collectivités territoriales ne disposent pas toutes des mêmes ressources, et que leurs choix différenciés du fait des configurations politiques locales et des priorités différentes contribuent au renforcement des inégalités territoriales, au risque d’un nouvel affaiblissement de l’unité du service public d’éducation nationale et du droit de tous les jeunes à une formation d’égale qualité.

1 - Notons tout d’abord l’incroyable autoritarisme dont font preuve ce gouvernement et quelques édiles socialistes décidés, envers et contre toutes les mises en garde et alertes qui se sont multipliées l’an dernier, au moment de la préparation concrète de cette rentrée (pensons à la grève massive des enseignants parisiens au printemps dernier !). Comment comprendre un tel autisme - qui plus est à quelques encablures des élections municipales - et le fossé que révèle cette coupure entre certains responsables politiques trop sensibles au lobbying des associations péri-scolaires directement intéressées par la manne financière attendue (formation d’animateurs et prestations ) et la gravité du malaise du monde éducatif ? L’urgence était à améliorer les conditions d’enseignement en diminuant les effectifs par classe, par exemple, en scolarisant les enfants à partir de l’âge de deux ans, notamment dans les quartiers populaires, ou encore à s’interroger sans a priori sur les causes réelles de l’échec dramatique de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture pour près d’un élève sur quatre, etc. Bref, à repenser ensemble - parents, enseignants, élus – les conditions d’une véritable redynamisation d’un système éducatif mis à mal par plusieurs décennies de politiques destructrices. Au lieu de quoi nous avons eu droit à une loi qui conforte les orientations les plus rétrogrades de la réforme Fillon de 2005, et à un décret sur les rythmes scolaires qui organise le creusement des inégalités territoriales existantes, bouleverse les équilibres de vie des parents comme des enseignants sans aucun effet positif sur les conditions d’apprentissages scolaires, et transfère sur les collectivités territoriales et les familles les coûts d’une réforme qui ne garantit même pas la qualité minimum requise des prestations éducatives promises.

On reste, du coup, tristement admiratif devant l’habileté avec laquelle on se défausse une fois de plus de la question fondamentale des apprentissages, des conditions didactiques et pédagogiques dans lesquelles les dispositifs et pratiques d’enseignement en viennent aujourd’hui à produire tant d’échecs dont pâtissent largement les enfants d’origine populaire. Entre des conditions scolaires incapables de s’attaquer véritablement aux insuffisances du système et les nouveaux rythmes, c’est à la double peine que Peillon les condamne en essayant de faire croire qu’il aura accordé la priorité au primaire.

On ne peut que s’étonner, au passage, qu’à un moment où les partisans de la réforme refusent la remise en cause du maître unique dans le premier degré, au bénéfice de maîtres mieux spécialisés dans leur discipline d’enseignement, et cela au prétexte du risque de déstabilisation des repères de l’enfant (allant jusqu’à préconiser la primarisation du collège de ce point de vue), les mêmes instaurent un système qui multiplie le nombre d’intervenants et de lieux d’activités dans le nouveau cadre horaire instauré par les nouveaux rythmes scolaires : comprenne qui pourra !

2 - L’annonce du nouvel horaire hebdomadaire des élèves ramené à 5 demi-journées au lieu des 4 imposées par l’abandon arbitraire de l’école le samedi en 2008 par le ministre Darcos pouvait laisser penser à un rétablissement du temps antérieurement consacré aux apprentissages, à un moment où l’alourdissement et la complexification des programmes scolaires nécessitent, de l’avis de tous les spécialistes, « du temps pour apprendre ». Or il n’en est rien : le temps scolaire stricto-sensu reste réduit à 24 h hebdo au lieu des 27 qui étaient de règle antérieurement. Tous les enseignants se plaignent du manque de temps dont ils disposent pour bien conduire leur enseignement et « boucler le programme ». Ainsi, on peut craindre que certains enseignements tels que la musique, les arts graphiques (dessin, peinture etc.) et l’éducation physique soient retirés des programmes scolaires pour être confiés aux collectivités territoriales en dehors du temps scolaire imposé nationalement : seul le Smic des enseignements fondamentaux relèverait de l’éducation nationale, le reste relevant des collectivités territoriales et des familles disposées à payer pour des formations non obligatoires. Mais, alors que cette nouvelle organisation ne permet en aucune manière d’améliorer les conditions d’efficacité des apprentissages, les activités péri scolaires restent, dans les faits, largement optionnelles et potentiellement payantes, par opposition à l’école obligatoire et gratuite. Est ainsi avalisé, de fait, le consumérisme à la mode sur le « moins d’école » et l’individualisation des parcours scolaires alors qu’est absente du débat la question essentielle : que fait-on pendant le temps scolaire ? Tous les spécialistes savent, en effet, que la fatigue de l’élève et tous les désagréments qu’elle entraîne (inattention, conduites perturbatrices, etc.) sont directement liés au degré d’intérêt qu’il porte aux activités qui lui sont proposées, aux conditions concrètes dans lesquelles elles sont mises en œuvre (lourdeur des effectifs qui interdit de fait tout suivi individualisé des enseignements par exemple) et, en bout de course, au sentiment de réussite ou d’échec qu’il éprouve dans le déroulement de sa scolarité. Or il est avéré qu’un élève qui se sent en situation d’échec dès ses premiers apprentissages (lecture-écriture) non seulement se « fatigue » rapidement lorsqu’il doit produire un effort cognitif en classe, mais cumule rapidement les difficultés dans un processus d’échec scolaire durable et devient perturbateur pour ses camarades de classe. Dès lors, la vraie question devient : comment faire pour que l’élève apprenne vraiment et ne s’ennuie pas en classe ? Que faire pour qu’il réussisse ? Quels temps de repos nécessaire entre deux activités ? Quelle alternance éventuelle entre des activités exigeant une forte mobilisation intellectuelle pour des apprentissages et des activités culturelles plus ludiques ; et qui doit faire quoi ? Et quelle répartition de ces activités dans l’emploi du temps global de l’élève ? À ces questions décisives, seule une vraie concertation sans préalables avec les vrais professionnels de l’éducation que sont les enseignants aurait été susceptible d’apporter des réponses satisfaisantes en termes de conduites pédagogiques à mettre en œuvre .

3 - Notons par ailleurs la confusion savamment entretenue entre rythmes scolaires (incluant de fait les activités péri -scolaires), phases de développement de l’enfant et rythmes d’apprentissage. Bien entendu, l’organisation du temps scolaire (nombre d’heures de cours dans la journée, de demi-journées mobilisées dans la semaine, durée de l’année scolaire et périodicité des vacances, équilibre entre ces divers éléments, etc.) n’est pas sans conséquences sur la disponibilité physique et intellectuelle des élèves vis-à-vis des apprentissages proprement dits. Mais la question des rythmes d’apprentissage relève d’autres paramètres propres à chaque enfant, différents selon les âges et plus difficiles à appréhender au niveau collectif (c’est précisément là une des difficultés inhérentes à toute pédagogie de groupe !). La non-différenciation de ces facteurs conduit de fait à fragiliser encore plus ce qui est déjà fragile chez les élèves les plus en difficulté, fragilisation encore accentuée du fait des modalités souvent incohérentes de mise en œuvre des activités périscolaires (déstabilisation des horaires, confusion des lieux, etc.). Insistons sur cet aspect du problème : les enfants (notamment les petits) ont besoin de stabilité et non d’une explosion des repères et des cadres comme l’induit presque automatiquement le morcellement du temps qu’impose aujourd’hui cette réforme.

4 - Pour autant, on ne saurait nier l’intérêt de développer en direction de tous les jeunes des activités prenant en compte les usages sociaux et culturels plus ou moins directement liés aux disciplines scolaires (théâtre, musique, danse, arts plastiques…) dont la pratique est aujourd’hui réservée à un nombre restreint de jeunes provenant le plus souvent de milieux sociaux favorisés, et directement pilotée par des familles sachant utiliser les structures associatives subventionnées par nombre de municipalités ou, à défaut, des associations privées. Encore faut-il que ces activités soient vraiment conçues comme étant complémentaires aux apprentissages, ce qui implique pour le moins un soin particulier à apporter à leur qualité : il ne saurait être question, par exemple, de les confondre avec de la garderie scolaire, ou avec du soutien scolaire, voire avec de l’ « aide aux devoirs », qui doivent rester de la seule responsabilité de l’école. Cette orientation implique un grand soin apporté à la formation des animateurs concernés, et une articulation intelligente des temps, des contenus et des lieux réservés à chaque activité. On remarquera au passage que la différenciation introduite dans le temps scolaire entre activités d’apprentissage et autres activités – dites périscolaires - à caractère culturel (dans le meilleur des cas !) repose sur une conception hiérarchisée et élitiste des savoirs et de la culture, et plus généralement de l’être humain tout à fait contestable. Toutes ces activités contribuent, chacune à sa manière, à la formation de l’esprit , au développement de la curiosité intellectuelle et de l’intelligence du monde qui nous entoure, et c’est à l’école publique et à ses maîtres de s’en préoccuper, si nécessaire en collaboration avec des partenaires éducatifs.

Pour conclure (provisoirement)

L’organisation des activités scolaires complémentaires aux apprentissages scolaires ne saurait être laissée à l’aléatoire des situations locales (capacités financières des municipalités, ressources culturelles) ou familiales, dont se nourrissent les inégalités sociales face à l’école.

Pour autant, il serait inconséquent de ne pas prendre en compte le potentiel enrichissant, souvent novateur, de nombre de dispositifs locaux existants - souvent depuis des décennies – tant associatifs que municipaux. Ces dispositifs sont essentiellement dédiés à des activités culturelles, mais celles-ci sont souvent isolées et ne font pas système, par défaut d’inter-organisation. Réunies et coordonnées, elles pourraient constituer la matrice d’un véritable projet culturel.

Il resterait alors à traiter la difficile question des inégalités territoriales. Celle-ci pourrait être résolue par la création d’un service public national décentralisé de proximité, cogéré par les représentants de l’Éducation nationale, des élus locaux, des associations péri-éducatives concernées reconnues d’intérêt public, et des familles. Ce service public aurait pour fonction la mise en œuvre adaptée aux conditions locales d’un cahier des charges national, aux contenus et contours éducatifs de qualité, entièrement gratuit pour les famille. Il serait co- financé par les collectivités locales et l’État, ce dernier assumant notamment une fonction égalisatrice, employant un personnel qualifié par l’obtention d’un diplôme national, et recruté dans un cadre statutaire de la fonction publique.

Messages

  • Pour faire suite à l’article paru sur votre site le 15 novembre et signé José Tovar, je me permets de vous adresser un article que j’ai proposé à plusieurs quotidiens nationaux et que seul le journal l’Humanité a accepté de publier dans son numéro du 6 novembre .

    Puisse cet article enrichir le débat que suscitent les articles de votre site.
    Titre :
    RYTHMES OU FLEXIBILITÉ SCOLAIRE.
    IMPASSE OU STRATEGIE LIBERALE ?

    Texte :
    "« Rythmes scolaires : Comment sortir de l’impasse », titrait l’Humanité dernièrement. S’agit-il réellement d’une impasse ou n’est-ce pas plutôt le résultat calamiteux de la décision d’un pouvoir borné ayant accepté l’idéologie néo-libérale et poursuivant, à son tour, de manière sournoise la casse déjà bien engagée du service public républicain d’éducation ?
    Il faut rendre hommage à l’Huma d’avoir consacré une pleine page à la question des rythmes scolaires modifiés au moment même où l’actualité met sur le devant la question du travail du dimanche .
    On ne peut manquer de faire quelques rapprochements entre ces questions.
    Toutes deux concernent la vie familiale de ceux—les mêmes— qui sont directement concernés les pères et les mères qui subissent le travail précaire, la flexibilité des horaires, celles et ceux qui au chômage ont tout perdu y compris leurs repères temporels sociaux d’une part, et désormais leurs enfants d’autre part.
    Toutes deux procèdent du même élan libéral, s’accaparer et gérer, à leur place, ce qui reste aux travailleurs du bon usage par soi du peu de temps à soi, car ce temps-là est aussi une marchandise.
    Ainsi, au nom de la démocratisation du temps péri-scolaire, au moment même où leurs parents s’épuisent dans des horaires débridés et incertains, le temps consacré à l’école, réduit de deux heures volées par la droite aux bons élèves pour pallier l’impopularité des milliers de fermetures de postes, se prolonge d’un temps d’activisme péri-scolaire censé agir sur les performances des élèves concernés. On arrive même à justifier cette imposture par des arguties pseudo-scientifiques empruntées à la chrono-psychologie. Pour obliger les parents, l’imparable loi économique, pour les enfants l’imparable loi psychologique.
    En 2008, la droite, si prompte à s’offusquer aujourd’hui, a volé aux élèves, et aux enseignants, (au moins) deux heures de culture scolaire partagée. Or, réduire le temps d’enseignement n’a eu pour conséquence depuis quarante ans que d’exposer de plus en plus, hors de l’école, les enfants aux inégalités sociales et culturelles. L’on persiste aujourd’hui. Le Ministre Peillon a ainsi substitué à ces deux heures de culture scolaire volée du « temps éducatif » payé au moindre coût, accroissant les inégalités sur le territoire. Le compte n’y est pas et ce sont les enfants qui subissent les effets de la précarité et de la flexibilité de la situation de leurs parents plus encore que les autres qui paient le prix de ce tour de passe-passe.
    Car cette réforme des rythmes scolaires concerne les enfants de ceux que l’on voudrait voir travailler le dimanche. Curieux rapprochement, elle ne concerne en rien ceux des actionnaires et des cadres bourgeois de la grande distribution ou d’autres holdings, qu’ils fréquentent ou non l’école publique. Il y a bien longtemps que leurs activités s’accordent à leurs rythmes soit-disant biologiques. Ils ont un emploi du temps de ministre et dans l’entre soi de leur classe sociale, ils naissent bourgeois et apprennent à le devenir.
    Il fallait bien être « énarque », philosophe, ou pour le moins « chrono-biologiste » pour penser qu’on pourrait bousculer la vie quotidienne des petits de maternelle et même des plus grands, par la succession d’une multitude d’intervenants sans compromettre leur fatigabilité et leur attention pendant les heures d’école.
    Cette mesure ne souffre pas seulement de son impréparation. Elle ne résoudra en rien la question des inégalités. Elle repose sur une conception économique, hiérarchisée des savoirs et des disciplines scolaires, de la culture et plus généralement de l’être humain réduit à n’être qu’un producteur. On pourrait la considérer comme anecdotique si elle n’était la suite navrante d’une politique d’éducation libérale avançant à pas feutrés depuis des années et soumise aux intérêts du marché et de la compétition.
    Contrairement à toute idée habilement distillée, les enfants des milieux populaires n’ont pas trop d’école. Certes, aujourd’hui, ils n’y sont pas heureux, s’y ennuient souvent, et du moins comme beaucoup de citoyens dans cette république inégalitaire, ils ne s’y reconnaissent plus. Mais la problématique des rythmes n’a guère de rapport avec la question stratégique des finalités de l’école. Rompre avec le déterminisme social est avant tout une question de volonté politique, une question pédagogique globale. C’est dans l’école et à partir de l’école qu’il faut s’y atteler.
    Célestin Freinet l’a dit en son temps. Si l’enfant trouve sens dans ses activités il ne voit pas le temps passer à l’école. Et j’ai observé bien souvent, en inspection, des jeunes élèves à l’heure de midi s’étonner et dire « déjà, Madame ? ». La périodicité et l’alternance des activités est avant tout une question d’ordre pédagogique et les maîtres expérimentés savent l’utiliser. Résoudre un problème de création plastique mobilise autant l’attention que résoudre un problème d’arithmétique ou une question scientifique. Toutes les disciplines scolaires, contribuent également à la formation de l’esprit sans hiérarchie entre elles. Toutes demandent un effort qui élève. Et c’est à l’école publique et à ses maîtres, dont c’est le métier de s’en préoccuper, si nécessaire en collaboration avec des partenaires éducatifs. En finir avec les évaluations classant élèves, maîtres et écoles, en finir avec la compétition scolaire, rendre aux maîtres qu’on a « prolétarisés » leur dignité d’ingénieurs de la pédagogie, réduire les inégalités d’équipement des écoles, il y a là du pain sur la planche de la reconstruction d’une école qui se préoccupe des plus pauvres de ses élèves.
    On m’objectera que l’effort envers le péri-scolaire tient de ce double souci social et pédagogique, qu’il apporte la variété, l’ouverture culturelle. Il s’agit, en vérité, de remplir le temps précieux des enfants d’heures d’activités, à moindre coût que l’on pourra confier bientôt au privé par l’appel d’offre auprès des mairies. Et, prenant le contrepied de Condorcet qui, au nom de la laïcité, voulait protéger l’école des lobbies et pouvoirs locaux en en faisant un service national, on ouvre grand le boulevard des inégalités territoriales et du marché scolaire et des petits pouvoirs locaux.
    Cette « grande mesure » (dixit le ministre) n’est pas aménageable. Il faut la sacrifier. Aussi, si pour sortir de « l’impasse », sans vouloir sauver si cela demeurait encore bien nécessaire le « soldat Peillon », je risquerai trois propositions au risque d’être impopulaire :
    1- Revenir aux 4 jours et demi de classe et à 26 heures de présence des élèves. Et le samedi matin n’est pas le plus mauvais moment pour cela.
    2- Créer dans chaque canton un observatoire des inégalités scolaires piloté et animé par l’Education Nationale et rassemblant des représentants de tous les citoyens concernés. Offrir aux citoyens qui le composent les moyens d’y réfléchir ensemble, d’y débattre, de proposer et de créer. En finir avec les inégalités comme obligation de résultats, la démocratie concrète comme moyen.
    3- Traiter d’urgence la question pédagogique chargée de reconstruire l’école en décrétant que tous les enfants sont capables d’acquérir une culture citoyenne commune et que toute forme de compétition libérale scolaire y est interdite.
    Au moins, ayant avancé cela, j’aurai la conviction d’avoir véritablement agi pour commencer à reconstruire l’école républicaine qui m’a fait ce que je suis.

    Alcide Carton,
    Inspecteur de l’Éducation Nationale Honoraire,
    Instituteur de la République

    Voir en ligne : RYTHMES OU FLEXIBILITÉ SCOLAIRE. IMPASSE OU STRATEGIE LIBERALE ?