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Lutter contre les discriminations ? Certes ! Et contre les inégalités ?

dimanche 21 août 2016, par Alain Beitone et Estelle Hemdane

En février 2016, l’académie de Créteil a publié un rapport sur la question des discriminations. Ce texte appelle selon nous un certain nombre de commentaires et doit susciter le débat.
Dans un premier temps, nous nous efforçons de préciser le vocabulaire en rappelant les définitions juridiques et sociologiques du terme « discrimination ». Nous nous centrons, dans la suite de l’article, sur la question de la discrimination ethno-raciale.
Dans un second temps, nous nous demandons si le système scolaire est discriminatoire. Nous faisons référence à de nombreux travaux dont les hypothèses de départ et les méthodologies diffèrent. Il s’en dégage une conclusion assez nette : on ne peut pas parler de discrimination au sens juridique (ou de façon exceptionnelle) et l’influence de la discrimination systémique sur les écarts de réussite scolaire est faible. Ces écarts s’expliquent principalement par les caractéristiques économiques, sociales et éducatives du milieu d’origine des élèves.
Dans un troisième temps nous soulignons que si le concept de discrimination est indiscutablement utile dans de nombreuses analyses, la façon dont il a été introduit dans le débat public conduit à s’interroger sur les liens qu’il entretient avec la domination croissante de politiques économiques libérales et le creusement des inégalités socio-économiques
Enfin, nous nous interrogeons sur les risques d’une erreur de diagnostic quant à l’origine des inégalités d’apprentissage des élèves. Est-on en présence de discriminations ethno-raciales ou bien des conséquences sur les enfants issus des milieux populaires (d’origine immigrée ou pas) du paradigme pédagogique dominant ?

"Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde"

Albert Camus (Sur une philosophie de l’expression, 1944)

L’académie de Créteil, sous l’impulsion de la rectrice, a engagé en 2016 un travail sur les discriminations à l’école [1]. Un groupe constitué d’un certain nombre d’experts [2], un jury composé de responsables et d’acteurs du système éducatif, ont conduit une réflexion et une Conférence de consensus a été organisée à l’université de Créteil le 3 février 2016 [3]. L’existence de ce travail (et du document qui en résulte) est en soi un fait positif : qu’au sein d’une académie, les acteurs de l’éducation se mobilisent en lien avec des chercheurs pour « prévenir et réduire » les discriminations doit être salué. Le texte a également le mérite d’aborder frontalement des questions importantes : celle des rapports école/entreprise à propos desquels on peut lire : « L’éducation nationale doit porter vis-à-vis des entreprises ses valeurs de non discriminations » (p. 13), celle de l’importance de la formation des enseignants et celle de la dimension pédagogique. D’une façon qui nous semble très judicieuse, le texte souligne : « La différenciation pédagogique ne peut être considérée comme une bonne solution en soi au problème de l’hétérogénéité des élèves » et insiste sur la nécessité d’articuler pédagogie explicite et activité intellectuelle des élèves (p. 24).

Cependant, et c’est ce qui justifie à nos yeux la rédaction de cette contribution, le choix qui a été fait de centrer la réflexion et d’orienter les préconisations sur la question des discriminations pose problème. L’articulation entre « inégalités » et « discriminations » n’est pas vraiment interrogée et le rapport comporte des glissements de vocabulaire (des discriminations à la ségrégation par exemple) et de problématique (problème de discriminations ethno-raciale ou difficultés scolaires des enfants des classes populaires).
Précisons d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas d’opposer ici une position « républicaine » qui resterait aveugle aux discriminations pour ne s’intéresser qu’aux inégalités pensées en termes de classes sociales, à une position « communautariste » qui considérerait les clivages de classes comme obsolètes et ne mettrait plus l’accent que sur les discriminations. Posé en ces termes, le débat n’a guère de sens, il est de plus source de confusions. Les faits discriminatoires sont à l’origine de certaines inégalités, mais toutes les inégalités ne sont pas liées à des discriminations. Il n’y a donc pas lieu d’opposer les deux termes. Il faut par contre réaffirmer l’objectif de lutte contre les inégalités [4], y compris bien évidemment celles qui résultent de discriminations. Mais il nous semble qu’un diagnostic précis sur les causes des inégalités est indispensable pour définir rationnellement les politiques publiques dans le domaine de l’éducation en évitant les dérives du débat social et politique.

Qu’est-ce que la discrimination ?

Il convient, en un premier lieu, de préciser ce que l’on entend par « discrimination ». En France, ce terme est défini par le code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » [5]. La discrimination est donc une différence de traitement défavorable fondée sur des motifs illégitimes. La liste de ces derniers a été progressivement allongée. L’adjonction la plus récente porte sur la « particulière vulnérabilité résultant de la situation économique ».

Le terme « discrimination » fait aussi l’objet de définitions européennes transposées en droit français. Une directive européenne introduit ainsi une distinction entre « discrimination directe » et « discrimination indirecte » :

« a) une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable ;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires ». [6]
Une autre directive porte plus précisément sur l’emploi et le travail : « La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement » [7].

Sur le plan juridique, les discriminations sont des délits qui peuvent (et doivent) être poursuivis et sanctionnés.

Dans une approche plus sociologique, le concept de « discrimination systémique » désigne un ensemble de comportements, le plus souvent non-intentionnels, dont l’accumulation et la répétition aboutissent à priver les membres de certains groupes de la jouissance de leurs droits.

Certains auteurs parlent, dans un sens voisin, de discrimination informelle : « La discrimination informelle désigne un type de discrimination qui s’est adapté au droit français. Il consiste à euphémiser les motifs des réels refus que peuvent être l’origine sociale ou l’origine ethnique, par des arguments détournés : manque de places, problèmes de comportement, non-volonté de « regrouper » certaines populations, etc. » (Ben Ayed, 2015, p. 131).

Si la discrimination considérée comme un délit relève de la politique pénale et de l’action de la société civile organisée (associations, syndicats, etc.), la lutte contre la discrimination systémique suppose un effort de définition et de mesure (Simon, 2005) et une action large portant sur les institutions et sur les comportements individuels et collectifs (actions d’information, d’éducation, de lutte contre les préjugés, etc.).
La liste des motifs de discrimination est longue mais c’est surtout la discrimination fondée sur des critères « ethniques » ou sur l’origine migratoire qui caractérise les débats sur l’école (notamment depuis les années 1990). La question du genre est également étudiée, mais elle se cantonne bien souvent à préconiser l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la société.

Dans ce qui suit, nous nous centrons donc sur les questions liées à l’origine, l’ethnicité et l’immigration comme le fait le rapport de l’académie de Créteil qui parle en effet du « poids accru du facteur de l’origine ethnique » et « d’aggravation d’une discrimination systémique » (p. 7). Nous retiendrons la définition de M. Safi : « La stratification ethno-raciale renvoie à des mécanismes d’inégalité de distribution des ressources économiques, sociales, politiques ou symboliques qui ne sont pas directement liés à la division du travail ou au fonctionnement du marché, mais plutôt à des critères « ascriptifs » associés à une catégorisation ethnique ou/et raciale à l’œuvre dans la société » (Safi, 2013, p. 12). Selon cette définition, il y a donc d’un côté des inégalités reposant sur la division du travail ou le fonctionnement du marché et de l’autre une « stratification ethno-raciale » qui est à la fois le produit et le fondement de pratiques discriminatoires.
Ces précisions terminologiques étant données, trois questions se posent.

La première porte sur le caractère plus ou moins discriminatoire du système éducatif. Pour le dire autrement, dans quelle mesure les études disponibles sur le sujet permettent-elles d’affirmer que les discriminations sont une dimension importante du fonctionnement du système éducatif ?

La seconde porte sur l’enjeu social et politique de l’approche en termes de discriminations. Il importe en effet de s’interroger sur le lien entre la question des discriminations et la question plus large des inégalités.

La troisième enfin porte sur l’enjeu scolaire du débat. S’il s’agit de lutter contre l’ensemble des inégalités scolaires (en particulier les inégalités d’apprentissage), il convient de poser le bon diagnostic sur l’origine des inégalités. Attribuer à des comportements discriminatoires les inégalités de maîtrise des savoirs et les inégalités dans les parcours scolaires, c’est risquer de se priver des moyens d’une action efficace contre les inégalités.

Le système scolaire français est-il discriminatoire ?

Certains auteurs soulignent qu’il faut attendre les années 1990 pour que soit posée en France la question des discriminations liées à l’origine au sein de l’école. Selon D. Fassin, par exemple, « l’école, lieu de la réalisation républicaine par excellence » aurait fait preuve de résistance « au dévoilement des inégalités liées à la nationalité ou origine » (Fassin, 2002, p. 411). L’existence d’une discrimination sur des bases ethniques est donc posée comme une dimension du réel, tardivement et timidement reconnue. Mais que dit la recherche sur les discriminations ? Nous montrons ci-dessous, en nous appuyant sur des auteurs d’orientations très diverses et utilisant des méthodologies différentes, que les conclusions relatives à l’existence de discriminations dans le système scolaire sont négatives ou très prudentes [8].

Dans un livre consacré à l’expérience des discriminations, F. Dubet et ses co-auteurs écrivent : « Il n’est guère possible d’affirmer que l’école discrimine, au sens où elle traiterait différemment et de manière systématique telle catégorie d’élève du fait de son origine ethnique » (Dubet et alii, 2013, p. 221). Ce constat les amène à s’interroger sur l’intérêt même du concept de discrimination : « on ne gagne pas beaucoup à substituer le mot discrimination à celui d’inégalité, sauf à pouvoir démontrer que l’origine ethnique et le sexe engendrent des jugements spécifiques sur la base de performances scolaire équivalentes, ce qui n’est pas toujours facile à établir » (idem).

F. Lorcerie, rappelle pour sa part que l’on dispose depuis longtemps de travaux qui soulignent la primauté des facteurs socio-économiques : « Il ressort de l’étude princeps de Vallet et Caille que les enfants d’immigrés ont des scolarités primaires plus marquées par la difficulté que leurs pairs (plus de redoublements, moins bons scores aux évaluations en 6ème, notamment pour les garçons), mais ils comblent l’écart au collège. Toutes choses égales par ailleurs, leurs orientations à l’issue de la 3ème sont analogues à celles de leurs pairs sans ascendance migratoire, sinon même un peu plus favorables. Les études ultérieures réalisées sur des échantillons plus récents (le panel d’élèves 1995 de la DEP, l’enquête « Génération 2004 » du CEREQ) ont confirmé ces résultats en prolongeant l’investigation jusqu’au baccalauréat. Une autre recherche, portant sur les punitions au collège, conclut pareillement que l’origine n’est pas statistiquement explicative de la sur-punition constatée chez les garçons. Le milieu social, le sexe, le niveau de classe ainsi que le passé scolaire sont les principaux facteurs » (Lorcerie, 2012). Répondant à la question posée lors d’une interview : « Peut-on vraiment parler de discrimination ethnique dans l’école française ? », elle répond : « Tout dépend de ce qu’on appelle « discrimination ». Notre droit reconnaît aujourd’hui un délit de discrimination, dans les cas où un individu est indûment privé d’un droit ou d’égalité dans l’accès à un service, ou encore dans les cas où une disposition apparemment neutre nuit spécifiquement à une catégorie de population (« discrimination indirecte »). Dans ce sens-là, il n’y a pas de discrimination dans l’École française à raison de l’origine des élèves. Du moins les données d’enquête disponibles n’y concluent pas. Pas plus que dans l’action de la police, de la justice, etc. Pourtant il y a du malaise, l’expérience subjective des élèves et celle des enseignants sont parfois dégradées en relation avec ces questions d’origine » (Lorcerie, 2009).

Un exemple de la difficulté des relations entre logique scientifique et logique médiatique

L’entretien cité ci-dessus est révélateur de la tentation pour le monde médiatique (en l’occurrence, la lettre d’information « Le café pédagogique ») d’imposer ses problématiques, y compris en opposition aux résultats de la recherche. Alors que d’entrée de jeu, F. Lorcerie se montre très prudente quant à l’usage du terme « discrimination », celui-ci est repris à plusieurs reprises dans les questions qui lui sont posées. Le titre même de l’interview « Dans l’école, les classements ethniques sont en usage » laisse à penser que les discriminations existent. Pourtant dans ses réponses, F. Lorcerie met en garde le lecteur (et l’interviewer) : « Je me demande s’il n’y a pas une ambiguïté sur le mot « classement ». J’ai employé le mot « classement » au sens cognitif, pour dire qu’on subsume les individus dans des « classes » ou des « catégories » cognitives, il ne s’agit pas du classement scolaire ».

Plus loin, elle insiste sur l’importance du vocabulaire et en souligne l’enjeu en termes de politiques publiques : « Mais ce n’est pas couper les cheveux en quatre que de distinguer discrimination, ségrégation, catégorisation ethnique, et racisme ordinaire (qui émane facilement mais pas automatiquement de la catégorisation ethnique). Ce sont des réalités connexes, déplorables chacune à un titre ou à un autre, mais on ne peut pas lutter contre l’une de la même façon que contre l’autre ».

Une autre étude réalisée à partir de l’enquête Trajectoires et origines (TEO) aboutit à des résultats semblables. En analysant les parcours scolaires des descendants d’immigrés, les auteurs indiquent que les inégalités face à la probabilité d’obtenir le baccalauréat pour les filles « disparaissent lorsque sont pris en compte le milieu social et le niveau scolaire des parents ». Bien mieux, « dans certains cas, à environnement social comparable, les chances scolaires initialement négatives se transforment en chances positives et révèlent une plus forte réussite des filles au sein de plusieurs origines migratoires, en comparaison des filles de la population majoritaire ». S’agissant des garçons, même si les caractéristiques sociales, scolaires et familiales jouent un rôle important dans les inégalités entre les descendants d’immigrés et la population majoritaire, il subsiste un écart qui ne peut être expliqué (on parle dans certaines études de « résidu discriminatoire »). Les auteurs écrivent alors : « L’hypothèse, à ce niveau, d’un traitement discriminatoire à l’égard des garçons descendants d’immigrés venus d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie, voire de Turquie ou d’Afrique subsaharienne n’est pas à écarter » (Brinbaum, Moguérou, Primon, 2015, p. 200). On le voit, la conclusion est très prudente.

Il existe donc bien des inégalités entre les élèves issus de l’immigration et les élèves de la population majoritaire [9]. Ces inégalités portent sur les performances scolaires (par exemple les notes obtenues au brevet du collège [10], sur la certification (probabilité d’obtenir le baccalauréat ou un diplôme de l’enseignement supérieur) et dans les parcours scolaires (les élèves issus de l’immigration subissent davantage des orientations qui ne correspondent pas à leurs vœux). Ces inégalités, qui ne sont pas contestées, sont principalement le produit de la situation sociale de ces élèves (niveau scolaire et profession des parents, conditions de logement, contexte de scolarisation, etc.).

C’est ce que montre aussi l’enquête PISA : « Le milieu socio-économique des élèves est une variable plus étroitement liée à la performance que leur statut au regard de l’immigration, et c’est au sein même des pays que cette corrélation s’observe le plus nettement. Les établissements présentant une plus forte concentration d’élèves immigrés se situent souvent dans des quartiers pauvres. Aux États-Unis, les élèves issus de l’immigration représentent ainsi 21 % de la totalité des effectifs d’élèves, mais 40 % des effectifs scolarisés dans des établissements défavorisés » (OCDE, 2015).

Dans la recherche conduite sur la ségrégation dans les collèges de l’académie de Bordeaux, G. Félouzis, F. Liot et J. Perroton soulignent que parmi les élèves classés à partir de leurs prénoms dans le groupe « Maghreb, Afrique noire, Turquie », « plus des trois quarts (76%) sont de milieu défavorisé, plus de la moitié sont issus d’une fratrie de quatre enfants et plus (51%) et seulement 48% sont « en avance » ou « à l’heure » au collège, contre 68% en moyenne » (Felouzis, Liot, Perroton, 2005, p. 35).

Des résultats convergents sont tirés de l’enquête TEO : « Les descendants d’immigrés présentent des origines sociales très modestes. Si les catégories sociales d’employés et d’ouvriers représentent un peu moins de la moitié des positions sociales des parents des enquêtés de la population majoritaire (47%), plus de 65% des enfants d’immigrés et 80% des descendants d’immigrés d’Algérie et d’Afrique sahélienne ont grandi dans des familles populaires (…) Seuls 14% des jeunes de la population majoritaire ont des parents ne possédant aucun diplôme (ni brevet, ni CEP), tandis qu’ils sont plus de la moitié parmi les descendants d’immigrés d’Algérie (56%), du Maroc ou de Tunisie (54%), d’Afrique sahélienne (57%) et de Turquie (64%) » (Brinbaum, Moguérou, Primon, 2015, pp. 177-178).

L’article de M. Ichou repose sur une comparaison France/Angleterre [11] et conduit à une conclusion identique quant à l’effet essentiel des variables socio-économiques et scolaires : « Dans les deux pays, et pour chaque groupe à divers degrés, la prise en compte des propriétés sociales des élèves et de leur famille telles que mesurées par les « variables de contrôle » réduit sensiblement l’écart scolaire avec les descendants de natifs. C’est un résultat bien connu qui est reproduit ici : le niveau d’éducation des parents, leur profession et les caractéristiques démographiques de la famille ont une influence forte sur les résultats scolaires des élèves et l’inégale distribution de ces propriétés entre descendants d’immigrés et descendants de natifs explique une grande partie des écarts scolaires entre les groupes » (Ichou, 2015, p. 36).

Jusqu’ici, nous avons fait référence à des travaux fondés sur des analyses statistiques. Un article utilisant à la fois une démarche ethnographique et un traitement statistique permet de fournir un éclairage complémentaire. L’auteur affiche clairement sa volonté de prendre en compte les discriminations et accuse le système éducatif de ne pas le faire suffisamment (il parle d’un « non débat »). Il se montre également très critique à l’égard de l’article de J.P. Caille et L. A. Vallet (1996). Pourtant, son travail de recherche fait apparaître un lien très fort entre l’origine immigrée des élèves du collège étudié et leurs caractéristiques socio-économiques. Il écrit : « En fait, le concept même de PCS (profession et catégorie socioprofessionnelle) n’a pas vraiment de sens ici. La profession la plus élevée à laquelle nous avons eu affaire était celle d’une seule personne aide-soignante. Presque 60 % des autres parents sont ouvriers, 30 % se déclarent « sans profession » tandis que 12 % se déclarent « au chômage ». Enfin, un seul individu se déclare artisan maçon » (Perrot, 2006, p. 5). On peut dès lors se poser la question : les biais d’orientation et de notation que l’auteur s’efforce de mettre en évidence sont-ils liés à l’origine ethnique des élèves ou à leur origine prolétarienne [12] ? L’auteur conclue d’ailleurs de façon très prudente : « Si la vertu heuristique d’un concept comme la discrimination devait rester liée à sa capacité intrinsèque de désignation directe, la seule « discrimination » que nous aurions pu mettre en évidence à l’intérieur [du collège étudié] est celle qui sépare les filles des garçons » (Perrot, 2006, p. 12). L’étude montre en effet que, lors des conseils de classe, les professeurs favorisent en matière d’orientation les filles jugées méritantes malgré leurs faibles résultats, au détriment des garçons qui obtiennent pourtant de meilleures notes.

Rappelons-le, nous ne contestons pas l’existence d’une discrimination systémique. Nous montrons simplement que les travaux disponibles conduisent à considérer que ce phénomène discriminatoire joue un rôle second dans l’explication des inégalités d’apprentissage et de parcours scolaires. Ces inégalités s’expliquent massivement par des variables qui tiennent à la situation socio-économique et aux acquis scolaires des parents.

Parmi les facteurs qui peuvent contribuer à la discrimination systémique, la ségrégation joue sans doute un rôle, mais là aussi les résultats de la recherche sont nuancés : « l’enquête PISA révèle ainsi que ce n’est pas la concentration d’élèves immigrés dans un établissement, mais plutôt celle d’élèves défavorisés, qui entrave la réussite tant des élèves immigrés que de leurs pairs autochtones » (OCDE, 2015). Un autre facteur susceptible d’intervenir concerne l’articulation entre le système scolaire et l’insertion professionnelle [13]. Le rapport de l’académie de Créteil, s’appuyant notamment sur les travaux de F. Dhume (2013) montre que le système scolaire négocie des « arrangements » avec les entreprises qui acceptent d’accueillir des stagiaires (on anticipe ou on accepte les demandes de ne pas avoir de stagiaire de telle ou telle origine) et a tendance à euphémiser l’expérience des discriminations vécues par les élèves au cours de leur stage.

Discriminations et inégalités : les enjeux sociaux et politiques du débat

Le choix des mots n’est jamais indifférent et on ne peut négliger le contexte social de leur utilisation. Le mot « discrimination » est défini par des inégalités reposant sur des motifs illégitimes, ce qui suppose qu’il existe d’autres inégalités reposant sur des motifs légitimes. De plus les discriminations ethno-raciales sont définies comme ne reposant ni sur la division du travail, ni sur les mécanismes de marché, ce qui laisse supposer que les inégalités résultant du marché et de la division du travail sont légitimes. De là à penser que ces dernières sont légitimes alors que les discriminations sont illégitimes, il n’y a qu’un pas. De plus, le thème des discriminations est souvent lié à la question de l’égalité des chances. Les victimes des discriminations ne bénéficient pas, du fait de la stigmatisation dont ils font l’objet, de chances égales d’accéder aux positions sociales valorisées. Cette inégalité des chances heurte l’idéologie méritocratique. On peut donc être conduit à penser qu’une fois ces discriminations éliminées, l’égalité des chances sera assurée et les inégalités restantes, légitimées.

L’usage du terme de discrimination s’est développé à partir des années 1990 dans un contexte social et politique particulier marqué par un changement du référentiel des politiques publiques dominant pendant les Trente glorieuses. Après la seconde guerre mondiale, l’idéal d’égalité des situations [14] s’est imposé. La déclaration de Philadelphie de l’OIT [15], la création des États providence (les rapports Beveridge en Grande-Bretagne) affirmaient la volonté de lutter contre les inégalités socio-économiques. Cet objectif a été partiellement atteint en ce qui concerne le partage des revenus. Les études de longue période (Piketty, 2013) montrent que dans les pays développés, on a assisté à un phénomène de réduction des inégalités (P. Krugman parle de « grande compression »). A l’inverse, à partir des années 1980 aux Etats-Unis et des années 1990-2000 en Europe continentale, on observe un creusement des inégalités (« la grande divergence »). Ces transformations dans le partage des revenus et des patrimoines, l’organisation de la protection sociale, le fonctionnement du marché du travail, la libéralisation financière, etc. sont bien évidemment liées aux rapports de force entre les groupes sociaux, mais elle résulte aussi d’un discours de justification qui s’est peu à peu imposé. Les critiques de l’intervention économique de l’Etat, la dénonciation des effets « désincitatifs » de la protection sociale, l’éloge de la libre concurrence vont occuper une place croissante dans le débat public (Dixon, 2008). L’ouvrage de G. Gilder (1981), Richesse et pauvreté, dont on dit qu’il était le livre de chevet de R. Reagan, est emblématique de cette transformation, du fait de son contenu (c’est l’Etat providence et les pauvres eux-mêmes qui sont responsables de leur situation) et de son impact médiatique. Ce changement de paradigme des politiques publiques est influencé par les analyses des économistes autrichiens. Pour F. Hayek la justice sociale est un mirage et pour L. von Mises les inégalités sont inhérentes à l’économie de marché. Or dans le même temps, le système soviétique s’effondre, l’influence des idées marxistes recule fortement et beaucoup imputent cet échec à « l’égalitarisme » qui serait contraire à l’ordre naturel (et inégalitaire) des choses. C’est ce que souligne M. Fleurbaey : « La faillite du marxisme a en effet terni l’idéal de l’égalité sociale, et l’idée que les inégalités sont partiellement légitimes a gagné du terrain » [16].

Dans ce nouveau contexte, la lutte contre les discriminations tend à se substituer à la lutte contre les inégalités et l’objectif d’équité est présenté comme une alternative à l’objectif d’égalité. En France, c’est le rapport d’A. Minc (1994) qui marque un tournant. L’idée selon laquelle la lutte contre les inégalités conduit à des injustices et qu’il faut promouvoir l’équité remporte un succès croissant dans le débat public, en dépit des résistances de quelques intellectuels [17]. Dans ce contexte idéologique, la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité des chances apparaissent comme un moyen de faire disparaître les inégalités illégitimes, les autres, relevant du mérite individuel sanctionné par les mécanismes de marché, étant pour leur part légitimes.

La différence entre les discours fondés sur la lutte contre les inégalités et ceux fondés sur la lutte contre les discriminations est soulignée par P. Simon : « l’entrée par les inégalités ne mène pas aux mêmes déconstructions de mécanisme de filtrage, rejet et traitements différenciés que l’économie générale du corpus des discriminations. Si discriminations et égalité (ou inégalité) ont de toute évidence partie liée, il ne s’agit pas de notions équivalentes et substituables » (Simon, 2004, p. 6). Il y a bien un changement de paradigme que soulignent F. Dubet et ses co-auteurs : « longtemps l’universalisme républicain et les luttes ouvrières se sont mêlés pour promouvoir un modèle de justice visant principalement la réduction des inégalités entre les classes sociales, modèle si puissant que les discriminations y étaient presque « invisibles ». Avec les luttes contre les discriminations, l’idéal à atteindre est moins celui d’une société sans classes que celui d’une société ouverte et mobile dans laquelle la diversité des origines, des sexes, des cultures et des identités seraient représentée de manière équitable dans tous les domaines et à tous les niveaux de la vie sociale » (Dubet et alii, 2013, p. 8). J. Chevalier fait observer pour sa part que si la lutte contre les discriminations peut être comprise comme un approfondissement de la lutte contre les inégalités, elle peut aussi servir de base à une remise en cause de l’Etat providence (Chevallier, 2003).

En 2009, W. B. Michaels a publié un pamphlet vigoureux soulignant le fait que la lutte contre les discriminations et pour la diversité tend à occulter la question des inégalités socio-économiques. Dans l’introduction de l’édition française de son livre, il écrit « la lutte contre les discriminations (SOS racisme…) a remplacé la « rupture avec le capitalisme » en tête de l’agenda politique » et il ajoute, « Dès lors qu’il s’est souvent substitué au combat pour l’égalité (au lieu de s’y ajouter), l’engagement en faveur de la diversité a fragilisé les digues politiques qui contenaient la poussée libérale » (Michaels, 2009, p. 7). Même si le livre de Michaels a fait l’objet de critiques de la part d’un certain nombre de sociologues français, sa position est nuancée. Ce qu’il conteste n’est pas la lutte contre les discriminations, mais la tendance du discours dominant à substituer la question des discriminations à celle des inégalités. Ce discours dominant conduit à considérer que « nos problèmes sociaux fondamentaux proviendraient de la discrimination et de l’intolérance plutôt que de l’exploitation » (idem, p. 9). On comprend mieux comment, en France, la question des discriminations a été reprise par la droite face à une gauche incapable de porter un discours clair sur l’articulation entre la lutte contre les inégalités socio-économiques et la lutte contre les discriminations. P. Simon analyse ce processus qui voit N. Sarkozy affirmer sa volonté de lutter contre les discriminations, nommer un « préfet musulman » et promouvoir un modèle « positif et méritant » en opposition à la conception traditionnelle de l’intégration qui serait en échec. Il s’agit pour la droite d’occuper à sa façon le terrain de la lutte contre les inégalités traditionnellement mobilisé par la gauche. Mais P. Simon souligne que « l’intérêt de la droite pour la lutte contre les discriminations ne peut se lire exclusivement sous un angle tactique. Il tient avant tout à l’adaptabilité de l’égalité des chances aux théories du libéralisme économique. Avec cette thématique, la droite a trouvé le moyen de réconcilier profits et morale » (Simon, 2007, p. 158).

Répétons-le, il ne s’agit pas pour nous de contester l’usage du terme de discrimination, ni l’existence de discriminations ou la nécessité de politiques publiques de lutte contre celles-ci. Mais, compte tenu des usages idéologiques de ce terme, il nous semble indispensable d’en faire une utilisation précise, clairement délimité. En particulier nous refusons toute problématique opposant lutte contre les inégalités et lutte contre les discriminations. Le rapport de l’académie de Créteil, alors même qu’il souligne une « approximation des connaissances » des professionnels de l’éducation sur des concepts comme discrimination, égalité des chances, inclusion, ne contribue pas vraiment à l’indispensable clarification conceptuelle. En particulier, la présentation des principes de justice qui est faite dans le rapport (« égalité formelle », « égalité des chances », « égalité réelle ») ne nous semble pas opératoire. On ne peut opposer l’égalité formelle (qui correspond à l’égalité en droit comme l’indique le rapport) et la non-discrimination, puisque précisément, sur le plan juridique, la discrimination est une violation de l’égalité des droits (la non-discrimination est donc le respect de l’égalité des droits, c’est-à-dire l’égalité formelle).

Discriminations et inégalités : les enjeux scolaires du débat

Après avoir traité des enjeux politiques du débat sur l’usage du terme discrimination, nous abordons à présent l’enjeu de ce même débat en ce qui concerne l’analyse des inégalités scolaires et les politiques publiques d’éducation. Il s’agit notamment de fonder un diagnostic sur les fondements des inégalités scolaires. Le rapport de l’académie de Créteil indique par exemple : « il s’agit de voir si les pratiques et les organisations du travail ne donnent pas prise à l’activation de stéréotypes liés à des catégories illégitimes (…) qui peuvent conduire à des traitements différenciateurs des personnes » (p. 5). S’il s’agit là du facteur principal des inégalités, alors on comprend que les solutions se trouvent dans un appel aux valeurs, à la déontologie ou à l’éthique des personnels, à la création « d’espaces de réflexion sécurisés et bienveillants où les processus à l’œuvre peuvent être analysés, où les difficultés peuvent être travaillées et partagées, où les tensions propres aux situations professionnelles peuvent être régulées afin de limiter les risques de discriminations » (p. 22). Ainsi la mise en place de groupes d’analyses de pratiques et/ou de soutien psychologique serait de nature à favoriser « une prise de conscience de chaque acteur dans son champ d’intervention » (p. 22). Mais lorsqu’on consulte le rapport de l’académie ou de nombreuses autres publications, on constate que dès lors qu’il est question des inégalités d’apprentissage, on ne traite plus des groupes ethno-raciaux discriminés, mais des catégories populaires en général. Le rapport de l’académie de Créteil indique par exemple : « La part des enfants issus des familles socialement aisées est d’autant plus forte que la formation est réputée. Une étude montre, par exemple, que la part des enfants d’ouvriers dans la section internationale d’un lycée est nulle alors que les enfants constituent le quart des effectifs des autres classes de seconde du même établissement » (p.15). Les inégalités sont donc socio-économiques et non ethno-raciales. Le même rapport indique que « les élèves ne sont pas exposés de la même manière aux savoirs en classe. Notamment, le caractère implicite des attendus cognitifs de la tâche elle-même, qu’il s’agisse de pratiques langagières ou de dispositifs pédagogiques, empêche certains élèves de s’approprier les enjeux d’apprentissage des activités qui leur sont proposées » (p.22). On reconnait là sans peine les analyses conduites notamment par le groupe ESCOL (Bautier et Rayou, 2013, Rochex et Crinon, 2011), par les membres du GRDS (Deauvieau et Terrail, 2007, Terrail, 2016) et plus largement les travaux qui s’inscrivent dans la continuité des analyses de B. Bernstein (Frandji et Vitale, 2008) sur la pédagogie invisible et ses effets négatifs sur les apprentissages des élèves issus des classes populaires.

Toutes ces analyses soulignent que les inégalités scolaires reposent notamment sur des malentendus liés au caractère implicite des apprentissages visés. Certains élèves peuvent éviter les malentendus grâce au soutien familial et à une connivence avec l’école et ses exigences tandis que d’autres se trompent sur l’objectif des tâches proposées. S’il s’agit de travailler sur une carte de géographie par exemple, certains élèves saisissent d’emblée que l’enjeu est de parvenir à une représentation abstraite de l’espace (et donc à un modèle), là où d’autres vont croire qu’il s’agit de réussir un joli coloriage de la carte. L’enseignant peut se réjouir de voir l’élève s’engager dans la tâche (il fait son coloriage en étant motivé et concentré) et ne pas percevoir que l’objectif cognitif n’est pas atteint. Il peut aussi s’en rendre compte mais, pour ne pas décourager l’élève et faire preuve de bienveillance, le féliciter pour son coloriage et ne pas le confronter au fait qu’il n’a pas réalisé l’apprentissage visé. Un autre facteur d’inégalité résulte du fait que les enseignants, sous prétexte de s’adapter aux élèves des milieux populaires, peuvent avoir tendance à ajuster à la baisse leurs objectifs et leurs exigences face à un public considéré comme « défavorisé ».

L’origine des difficultés d’apprentissage ne résulte donc pas principalement de « l’origine » migratoire ou ethno-raciale des élèves, mais plutôt des difficultés pour les élèves qui ne disposent que de l’école pour apprendre à s’approprier les exigences et les attentes cognitives de l’institution scolaire. A l’inverse, les élèves qui sont issus de milieux socio-culturels fortement dotés en capital culturel bénéficient d’une sorte de « délit d’initié » qui leur permet d’échapper largement aux malentendus d’apprentissage.

Outre les auteurs déjà cités, B. Lahire souligne lui-aussi ce problème : « L’école a une responsabilité pédagogique et politique considérable vis-à-vis de ces enfants qui n’ont que l’école, qui n’ont que le temps passé à l’école, pour entrer dans la culture scolaire et se l’approprier. Or, pour ces enfants-là, tous les moments retirés à l’action pédagogique, au travail pédagogique et à l’entraînement des élèves constituent autant de remises en cause de la progression dans l’appropriation des savoirs scolaires. Il faut du temps pour « transmettre » un capital de connaissances, pour faire acquérir des techniques ou des manières de penser ou d’agir » (Lahire, 2013, p. 12). Or, bien souvent, sous prétexte de s’adapter aux élèves des milieux populaires, les normes pédagogiques, injonction des formateurs, de la hiérarchie, contenu des matériaux pédagogiques (Bonnéry, 2015) conduisent les enseignants à adopter des pratiques plus « ludiques », plus « concrètes », plus liées aux intérêts immédiats (réels ou supposés) des élèves. Cette posture, aux motivations généreuses, conduit à rendre plus invisible la pédagogie et à rendre moins intensive la confrontation des élèves aux savoirs scolaires, moins systématiques les apprentissages. B. Lahire souligne que ce risque est particulièrement élevé au sein des ZEP qui scolarisent précisément les élèves les plus éloignés des prérequis de l’univers scolaire : « Mais les zones d’éducation prioritaire ont été parfois des lieux où l’on a pu avoir, beaucoup plus qu’ailleurs, des pratiques d’« ouverture de l’école sur la vie » qui tendent, au final, plutôt à retirer du temps d’apprentissage aux élèves » (Lahire, 2013, p. 11).

Si l’on veut lutter contre les inégalités sociales d’apprentissage et de parcours scolaires, il faudrait donc changer de paradigme pédagogique (J.P. Terrail) et mettre en œuvre une pédagogie visible radicale. C’est la position de R. Establet : « Tous les résultats sont convergents. Ce sont les pédagogies qui définissent le plus explicitement les savoirs pertinents (classification) et qui font connaître le plus explicitement les performances attendues de l’élève (cadrage) qui permettent aux enfants des classes défavorisées de réussir » (Establet, 2008, p. 48).

Le processus par lequel les dispositifs pédagogiques les plus répandus actuellement contribuent à la production des inégalités d’apprentissage est bien résumé par S. Bonnéry : « les élèves qualifiés de « brillants » sont en fait ceux qui bénéficient de délits d’initiés face à la culture scolaire : ils entendent ce qui n’est pas dit (ou dit à demi-mot) et savent ce qui est exigé sans être enseigné. Le fait que les autres, la majorité, se confronte à des difficultés n’est pas surprenant. Et ce ne le serait pas non plus si les dispositifs pédagogiques étaient débarrassés de bon nombre d’implicites car le développement chez chacun des dispositions à réaliser ces sauts cognitifs et à s’approprier les savoirs requiert des efforts, des rectifications, des retours sur l’activité. Mais telle n’est pas la priorité des dispositifs pédagogiques majoritairement observés : la phase de découverte des savoirs est suivie par une très rapide phase d’institutionnalisation de ces savoirs où seuls quelques élèves énoncent à haute voix ce que d’autres n’ont même pas soupçonné » (Bonnéry, 2009, p. 17).

Mais si au lieu de prendre en compte le fait que les dispositifs pédagogiques qui sont devenus dominants dans le système scolaire défavorisent les enfants des catégories populaires (qui représentent plus de la moitié de la population active), on ne met en avant que la spécificité des élèves d’origine immigrée, on manque sa cible. Plus grave, on court le risque d’apporter des réponses qui vont à l’encontre de l’objectif d’égalité. Si, par exemple, on met l’accent sur des pratiques « interculturelles » [18], sur la valorisation des cultures d’origine, sur une différenciation pédagogiques qui contourne les apprentissages, on risque, avec les intentions les plus généreuses du monde, de renforcer les inégalités.

C’est le danger que pointe U. Palheta dans une recension récente d’un recueil de textes d’Abdelmalek Sayad (2014). Ce dernier s’interrogeait notamment sur la mise en place, à partir de 1973, des Enseignements de langues et culture d’origine (ELCO). Pour Palheta : « Tout l’intérêt des remarques de Sayad sur l’ELCO consiste à révéler que l’attention aux « différences culturelles » peut paradoxalement fonctionner comme indifférence aux inégalités de capital culturel, et ainsi contribuer non seulement à la reproduction des inégalités scolaires, en modulant le niveau d’exigence scolaire au nom de différences culturelles postulées, mais aussi à la légitimation des inégalités sociales devant l’École, en fournissant une puissante sociodicée de ces inégalités, fondée sur l’attribution aux enfants d’immigré-e-s de propriétés culturelles les rendant impropres aux apprentissages scolaires mais riches d’une « autre culture » (leur culture dite « d’origine »), maigre consolation pour ceux et celles qui se savent, se sentent et se retrouvent exclu-e-s de (et par) l’institution scolaire » (Palheta, 2016).

Bonnéry note pour sa part, que les dispositifs en vigueur pour lutter contre « l’échec scolaire » tendent à individualiser et à psychologiser le rapport des élèves à l’institution scolaire. Le fait qu’il existe nécessairement un écart entre les connaissances des élèves et la culture savante (scientifique, littéraire, artistique, etc.) que les élèves doivent s’approprier, n’est pas présenté de façon explicite comme une situation normale. Les élèves qui n’ont que l’école pour apprendre sont alors conduits à interpréter leurs difficultés d’apprentissage en termes relationnels : l’enseignant n’est pas gentil, il a des chouchous » (qui donnent les bonnes réponses), voire il est raciste. S. Bonnéry souligne que dans un collège qu’il a observé, les élèves « confrontés à la répétition de mauvaises notes éprouvent le sentiment d’être victimes, d’être désignés non-conformes, et de l’être de la même manière que leurs « copains de mêmes origines ». Pris dans les malentendus sociocognitifs et dans ce registre personnalisant et psychologique, ils suspectent alors une malveillance de la part des enseignants à leur égard pour des raisons de discrimination raciale, sociale ou de genre ; comme le dit l’un des élèves suivis : « C’est bizarre cette année, y’a que les noirs et les arabes qui redoublent » (Bonnéry, 2009, p. 20). Les élèves peuvent donc éprouver un sentiment de discrimination (qui est une composante de la réalité sociale et peut être enregistré dans les enquêtes), alors même qu’à l’origine des problèmes se trouve un paradigme pédagogique dominant au sein duquel les malentendus socio-cognitifs jouent en défaveur de la plupart des élèves issus des catégories populaires.

Conclusion

Nous pensons, comme L. Béreni et V.-A. Chappe (2011) qu’il n’y a pas lieu d’opposer l’analyse des discriminations et celle des inégalités de classes. S’agissant des inégalités scolaires, les travaux sérieux [19] disponibles montrent que les facteurs liés à l’origine sociale (situation socio-professionnelle et formation scolaire des parents) sont les variables explicatives principales des inégalités scolaires. Par ailleurs, les travaux qui se centrent sur les dispositifs et les supports pédagogiques montrent qu’une norme pédagogique et didactique s’est progressivement imposée, conduisant à la domination d’une pédagogie invisible, source de malentendus pour les élèves issus des catégories populaires. Comme l’écrasante majorité des enfants issus de l’immigration appartiennent à ces catégories populaires, ils sont donc largement victimes de ces dispositifs pédagogiques. L’école devrait donc en premier lieu viser à une égalité dans les apprentissages en construisant des dispositifs destinés prioritairement aux enfants qui n’ont que l’école pour apprendre. Cela supposerait de changer de paradigme pédagogique pour articuler pédagogie visible et activité intellectuelle des élèves. Cela supposerait également de cesser de considérer comme acquis par tous les élèves les pré-requis de la réussite scolaire que seuls les enfants issus des catégories fortement dotées en capital culturel maîtrisent. Il s’agit d’une tâche immense dont on ne discute pas sérieusement dans les lieux où s’élaborent les politiques publiques d’éducation.
Pour autant, cela ne doit pas conduire à refuser de prendre en compte les discriminations lorsqu’elles sont établies, par exemple à l’occasion de l’inscription dans les établissements privés (Paquet, Brodaty, Petit, 2013) ou des stages des élèves en entreprises (Dhume, 2013). De même, l’exercice d’une vigilance collective au sein des établissements à l’égard des comportements discriminatoires est indispensable. Mais l’erreur serait de renoncer à agir sur le facteur le plus massif des inégalités scolaires en ne mettant l’accent que sur les discriminations.

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[1Nous étudions ce texte, mais les problèmes soulevés sont généraux. Il existe par exemple un Réseau national de lutte contre les discriminations qui fonctionne avec le soutien de l’Institut français de l’éducation et d’autres organismes publics. Le site de ce réseau pose comme une évidence le fait que l’école discrimine.
http://reseau-lcd-ecole.ens-lyon.fr//

[2Parmi les experts on peut notamment citer Gwenaelle Calvès (auteure de nombreux travaux sur les discriminations), Choukri Ben Ayed (qui a notamment consacré un livre à la mixité sociale à l’école), Françoise Lorcerie (qui a publié des travaux sur la question de l’ethnicité à l’école), Fabrice Dhume (co-auteur d’un rapport au premier ministre sur la question des discriminations), Réjane Sénac (qui travaille au CEVIPOF sur les questions de genre, de parité et de diversité), Yaël Brinbaum et Jean-Luc Primon (qui ont notamment participé à l’exploitation de l’enquête Trajectoire et origine de l’INED), Marceline Lapparra et Claire Margolinas (didacticiennes), etc. On peut noter l’absence des économistes parmi les experts, ce qui explique sans doute l’absence de toute référence aux théories économiques de la discrimination (Havet et Sofer, 2002).

[3Le rapport du jury est disponible en ligne sur le site de l’académie de Créteil : http://cache.media.education.gouv.fr/file/Actualite/29/1/Rapport_discriminations_V8_599291.pdf

[4Nous rejetons tout autant l’opposition entre « égalité » et « équité », parfois utilisée dans le débat sur les discriminations.

[5Article 225-1 du code pénal. Cet article relève du Livre II du Code pénal « Des crimes et des délits contre les personnes » https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417828

[6Directive européenne n° 2000/43/CE du 29/06/2000
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32000L0043:fr:HTML

[7Directive européenne n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32000L0078:fr:HTML

[8On consultera aussi l’article dans lequel S. Bonnéry (2006) se livre à une réflexion critique sur l’usage du thème de « l’ethnicité » dans les débats scolaires. Il écrit notamment : « L’École participe à sa façon à l’interprétation ethnicisée des situations scolaires que produisent les élèves d’origine populaire (migrante ou pas), les moins familiers de ses façons de faire » (p. 12).

[9Il faut cependant se garder de toute généralisation. Les situations sont très diverses selon l’origine et les parcours migratoires. Les travaux tirés de l’enquête TEO « constituent un démenti à la thèse globalisante qui associe origine immigrée et échec scolaire » (Brinbaum, Moguérou, Primon, 2015, p. 200).

[10Felouzis, Liot, Perroton (2005), notamment le chapitre 3.

[11Sur le plan de l’analyse statistique, l’article utilise la méthode de l’appariement exact et non la méthode de la régression logistique. Les résultats sont cependant convergents.

[12Comparant le collège qu’il étudie avec la situation au début des années 1980, l’auteur parle de « prolétarisation du public ».

[13Sur ce point voir notamment les travaux du Centre d’étude de l’emploi et du CEREQ. Silberman et Fournier (2006), Duguet, L’Horty et Petit (2009), Couppié (2013), Brinbaum et Issehnane (2015). Voir aussi l’étude sur la discrimination à l’embauche sur des bases religieuses : Valfort (2015).

[14Par exemple, le concept même de service public repose sur l’égalité d’accès pour tous les usagers (hôpitaux publics, bibliothèques municipales, etc.

[15Supiot (2010). A. Supiot décrit les caractéristiques de cet « esprit de Philadelphie » et sa remise en cause par la logique du « marché total ».

[16Fleurbaey (2005). Il souligne que « le mythe de l’équité peut servir à cautionner des politiques inégalitaires ».

[17J.P. Fitoussi (1995), notamment, dénonce comme dénuée de fondement logique l’opposition entre égalité et équité.

[18Certains parlent même d’une « pédagogie couscous ». Dhume et alii (2011), p.33.

[19En effet, pour n’évoquer qu’un exemple, aucun travail solidement étayé par des données quantitatives ne permet de démontrer que « Fatima » est systématiquement moins bien notée que « Marianne » ou que « Issam » et « Kader » sont systématiquement davantage punis que Christophe