Accueil > Culture commune/séminaire > Pour une refonte des contenus > Comment étudier le français au collège ?

Comment étudier le français au collège ?

mercredi 25 janvier 2017, par Virginie Blanchet et Véronique Marchais

[ La séance du séminaire GRDS du 17 mars prochain est consacrée à l’enseignement du français et aux transformations qui paraissent souhaitables dans la perspective d’une école ambitieuse pour tous ses publics. Pour préparer cette rencontre et favoriser les échanges, nous avons publié sur ce site une série de questions concernant la matière.

On pourra lire ci-dessous les réflexions de deux enseignantes sur la pédagogie de la discipline au collège. Leurs propos s’organisent en quatre thèmes : le français et l’interdisciplinarité ; l’enseignement du français à partir d’entrées thématiques ; que faire de la grammaire ? ; comment faire lire un texte ?

Le débat reste ouvert à tous, les contributions pouvant nous être adressées sur le site.]

-------------------------------------

Le français et "l’interdisciplinarité"

Q - Dans quelles conditions l’enseignement du français peut-il s’inscrire dans des démarches pluridisciplinaires sans renoncer à ses spécificités, sans être instrumentalisé et réduit à un pur outil de communication ?

R - Virginie Blanchet :

L’interdisciplinarité, une évidence

L’interdisciplinarité est au cœur de l’enseignement du français. Comment, par exemple, étudier en 6ème des « récits de création appartenant à différentes cultures » sans évoquer l’hypothèse scientifique du début de l’univers, et amener les élèves à distinguer le discours scientifique du mythe ? Comment aborder Les Misérables en 4ème sans éclairer le contexte historique de l’œuvre, les faire entrer dans le XIXème siècle, les aider à comprendre l’Empire, la Restauration, la monarchie de Juillet, les émeutes de 1832 ?

Une démarche complexe, au cœur des savoirs disciplinaires

Dès lors, cette insistance de l’institution à vouloir imposer, dans un cadre particulièrement rigide, la pédagogie de l’interdisciplinarité pose question. L’interdisciplinarité serait la réponse à tous les problèmes : manque de motivation des élèves, perte du sens des apprentissages, difficultés scolaires. En réalité, la promotion de l’interdisciplinarité cache un mépris des disciplines qui, par leur abstraction et leur éloignement du quotidien, du vécu des élèves, les rebuteraient.

D’ailleurs, dans la pratique, l’interdisciplinarité est bien perçue comme autre chose que l’enseignement disciplinaire, ou en tout cas quelque chose qui peut clairement être distingué du savoir disciplinaire, puisque le temps qui doit lui être alloué est calculé et que la réforme stipule que 20 % du temps d’enseignement doit être consacré à l’accompagnement personnalisé et l’interdisciplinarité. Or, l’interdisciplinarité telle que nous l’évoquions au premier paragraphe, à l’opposé de la conception à l’origine de la réforme, est clairement imbriquée dans un tout dont elle est partie prenante, et ne peut être distinguée. Elle est une modalité de l’enseignement disciplinaire, et relève de la contextualisation, composante de l’explication approfondie.

En effet, la véritable interdisciplinarité suppose des démarches complexes qui reposent sur une connaissance disciplinaire très pointue et une grande exigence pédagogique. Les matières que l’on croise doivent toutes conserver leur spécificité, leurs enjeux, ne pas devenir purement utilitaristes. Tout ne peut donc pas se prêter à la pluridisciplinarité et le danger est grand de voir le français devenir un simple outil de communication, au service de la rédaction d’un exposé ou de la création d’une affiche…

Les dangers des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) : déperdition du sens, éloignement de savoirs disciplinaires exigeants

Certes, le français construit les capacités syntaxiques et orthographiques des élèves, et, en cela, il est par essence interdisciplinaire et doit faire l’objet d’une attention de tous les enseignants. Mais inverser la logique et faire du professeur de français le correcteur des travaux effectués dans les autres matières serait ignorer la spécificité de cette matière qui est, à travers l’étude de la langue et d’œuvres phares du patrimoine, de faire accéder les élèves aux livres et à une culture humaniste, de former leurs capacités de réflexion et d’analyse. Réduire le français à un outil de communication (une langue « de service ») conduirait à marginaliser la langue littéraire « de culture », et à déconstruire le savoir littéraire, éloigner les élèves de sa spécificité et dès lors, leur en fermer l’accès. Or, l’interdisciplinarité n’a de sens que quand elle est au service des savoirs eux-mêmes. Au contraire, l’interdisciplinarité du ministère semble être une machine de guerre contre eux, en prélevant dans chacune des disciplines des éléments qui n’ont du sens que reliés entre eux par l’architecture interne qui fonde précisément la discipline.

Elle fait sens et elle donne sens quand elle est suscitée par les textes eux-mêmes, quand elle s’impose au travers d’une œuvre, quand elle permet d’apporter des réponses aux questions soulevées par les textes, quand c’est le texte qui fait surgir la nécessité d’un savoir externe au français lui-même. L’interdisciplinarité, alors, se pose comme une évidence. Mais, à travers le dispositif artificiel des EPI, c’est une démarche inverse que la réforme demande de construire, démarche qui mène au mieux à une déperdition du sens, au pire à sa perte. A vouloir à tout prix construire de l’interdisciplinarité à marche forcée sur des thématiques imposées et qui ne découlent pas nécessairement des contenus enseignés, le risque est grand de voir l’étude du sens des textes sacrifiée sur l’autel des « EPI ». Des liaisons artificielles entre matières sont créées, purement thématiques le plus souvent, au détriment de la richesse des textes.

Le cas d’un EPI présenté sur le site Eduscol est à cet égard très frappant. En 4ème, autour de la thématique « Culture et création artistiques » est proposé un projet intitulé « Fais bouger ta littérature… » "Quand les émotions tirées de nos livres nous permettent aussi de mieux bouger… Il s’agit de construire « un roman-photo à partir d’une chorégraphie collective, inspirée de la réception que les élèves ont des textes lus et étudiés en classe en français, notamment ceux travaillés au sein de l’objet d’étude « dire l’amour »". Le projet évoque l’expression d’« opinions », là où le but du cours de Lettres est de former des pensées, souvent en luttant justement contre les opinions, les ressentis. Il n’est jamais question des textes étudiés. Il est simplement dit que « le projet se prête aisément aux textes que l’on peut étudier dans le cadre de l’objet d’étude « dire l’amour » ! Il semblerait que le texte n’ait même plus d’importance puisqu’il devient pur prétexte à « l’expression de la sensibilité », à la possibilité de « communiquer un sentiment, un point de vue […] en respectant les principales normes de la langue écrite ». Le sens du texte, les questionnements qu’il pourrait faire surgir n’ont plus guère d’importance et ne sont d’ailleurs même plus évoqués.

La spécificité et la cohérence des savoirs littéraires sont niées au profit de la mise en relation artificielle et superficielle de deux matières. La finalité du projet n’est plus disciplinaire ou interdisciplinaire, elle devient purement pratique : il faut parvenir à une réalisation concrète : un roman-photo dans le cas présent. On ajoute donc au projet une troisième dimension implicite, l’image photographique dont ni la spécificité ni le langage ne sont dits à aucun moment dans la liaison entre les deux matières, comme si le support de la réalisation concrète n’en était pas aussi une partie du fond... Un tel point aveugle dans la conception du projet montre combien l’idée d’EPI relève de l’ignorance épistémologique, et combien l’obsession de la réalisation concrète est une insulte aux savoirs véritables qu’elle convoque sans les dominer, et confine au bricolage inculte.

Et en effet, derrière la promotion de l’interdisciplinarité, se cache une méfiance vis-à¬vis de l’abstraction. Les savoirs disciplinaires seraient trop abstraits et n’auraient pas de sens pour les élèves. La finalité des EPI est de parvenir à la réalisation d’un projet concret, ainsi que l’arrêté du 19 mai 2015 le stipule : il s’agit de « construire et approfondir des connaissances et des compétences par une démarche de projet conduisant à une réalisation concrète, individuelle ou collective ». Or, repousser le moment où l’élève accèdera à l’abstraction, c’est au mieux faire reculer le moment où il parviendra au sens des savoirs scolaires, au pire l’en détourner. En effet, la réussite scolaire repose sur la capacité d’accéder à l’abstraction. Le langage est par essence une abstraction. Apprendre à lire, c’est déjà mettre à distance le réel et considérer que le langage est un objet que l’on peut étudier en lui-même. L’étude des textes et la grammaire supposent la formation d’une démarche de pensée métacognitive, une mise à distance du langage de la vie courante, un rapport distancié au quotidien auquel les EPI ne cessent de vouloir ramener l’élève.

Ainsi, dans les exemples d’EPI proposés sur le site Eduscol, en 3ème, dans le cadre de la thématique, déjà révélatrice en soi, « Information, communication, citoyenneté », on propose un travail sur « La photo d’identité, une image qui raconte des histoires ». La description du projet et de la problématique affiche le choix d’un objet très prosaïque, présenté comme faisant justement sens en soi : « partir d’un objet familier, volontairement modeste, aisé à circonscrire mais qui soulève des questions fondamentales des programmes et dont on exploite les virtualités diégétiques […] apprécier la puissance de mise en récit qu’offre un matériau aussi prosaïque et banal et s’en saisir au sein de la production concrète ». Le projet consisterait alors en français à travailler sur l’écriture de soi et l’autoportrait, et à acquérir des références culturelles. Mais tout est centré sur l’étude de la photographie d’identité, ses raisons d’être. Les textes étudiés sont ceux de journalistes : articles ou ouvrages consacrés à la photographie, auxquels vient s’ajouter un extrait du film de Jeunet, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Ainsi, le projet part d’un objet quotidien, prosaïque… pour ne jamais beaucoup s’en éloigner. Certes, on interroge le sens de cette pratique banale, mais l’élève est sans cesse ramené à son quotidien et n’accède jamais aux textes littéraires, aux questionnements profonds que pose l’écriture autobiographique. Le projet n’est pas au service des savoirs disciplinaires. C’est le français qui devient un prétexte à la construction d’un projet conçu par des pédagogues persuadés que seul le concret peut intéresser les élèves. Quel sens a encore, en cours de français, le questionnement sur l’écriture de soi s’il ne permet pas l’accès aux textes qui justement proposent des éléments de réponse ? À vouloir à tout prix éviter aux élèves la complexité des textes littéraires, l’effort de lecture et d’analyse, on finit par les priver de savoirs exigeants, mais qui font et donnent sens.

Des propositions

- Donner les moyens horaires permettant la mise en place de l’interdisciplinarité qui suppose du temps. La perte horaire engendrée par la réforme dans une matière qui manquait déjà cruellement de temps met à mal la possibilité de l’interdisciplinarité, obligeant l’enseignant, bien malgré lui, à se centrer sur les fondamentaux.

- Laisser aux enseignants la liberté pédagogique qui leur permette de construire une interdisciplinarité qui fasse sens, qui ne soit pas imposée par l’institution de manière artificielle, dans un cadre étriqué, finalement cloisonné, comme celui des EPI mais qui surgisse de la nécessité des textes, et qui soit un savoir supplémentaire, et non une instrumentalisation dénaturant des connaissances complexes.

- Laisser aux enseignants la liberté pédagogique qui leur permette de donner place à toutes les formes d’interdisciplinarité possibles, en fonction des élèves et des savoirs étudiés : co-intervention, construction d’un projet commun, croisement des disciplines au sein du cours de français au gré des questionnements qui s’imposent ou
surgissent…



Enseigner le français à partir d’entrées thématiques ?

Q : Est-il pertinent de construire l’enseignement du français autour de questionnements à partir d’entrées telles que celles que proposent les nouveaux programmes : “se chercher, se construire”, “vivre en société, participer à la société”, “regarder le monde, inventer des mondes” et “ agir sur le monde”, au lieu de centrer l’étude sur la valeur et les spécificités intrinsèques aux oeuvres et de favoriser les repères culturels et historiques ?

R - Virginie Blanchet

Le programme est construit en fonction d’entrées thématiques. Elles sont reprises sur
les trois années du cycle 4 et font l’objet d’un questionnement cette fois-ci spécifique à
chaque année. Cette approche présente de nombreux dangers.

Une vision réductrice des oeuvres

Le programme précise : « Ces entrées et ces questionnements mettent en lumière les
finalités de l’enseignement ; ils présentent la lecture et la littérature comme des ouvertures sur le monde qui nous entoure, des suggestions de réponse aux questions que se pose l’être humain, sans oublier les enjeux proprement littéraires, spécifiques au français » (programme pour le cycle 4, p. 246).

Or, des entrées purement thématiques ne peuvent rendre compte de la profondeur des oeuvres étudiées et de la richesse des questions qu’elles suscitent. Ces entrées obligent au contraire à aborder les textes sous un angle imposé et vite réducteur.
Comment amener l’élève à comprendre l’enjeu littéraire spécifique au français,
comme le suggère le programme, quand le thème l’emporte sur le type de texte ? En 4ème, par exemple, l’entrée « se chercher, se construire » se décline en « dire l’amour » et le programme précise « on étude « un ensemble de poèmes d’amour, de l’Antiquité à nos jours » et « on peut aussi étudier une tragédie du XVIIème siècle, une comédie du XVIIIème siècle ou un drame du XIXème siècle, ou encore des extraits de nouvelles, de romans et de films présentant l’analyse des sentiments amoureux » ! Le thème seul compte et la spécificité du texte, son genre littéraire, le contexte historique et culturel qui l’a fait naître, est niée.

L’oeuvre devient alors prétexte à l’étude du thème. Le programme incite à faire entrer
les textes dans des cases préétablies. Ainsi l’entrée « vivre en société, participer à la société » se décline en 4ème sous la forme « individu et société : confrontation des valeurs ? » et les indications de corpus amènent à l’étude d’une oeuvre théâtrale, tragédie ou tragicomédie du XVIIème, ou comédie du XVIIIème. Quel appauvrissement intellectuel que de n’étudier le Cid ou Bérénice qu’à travers ce thème, que de faire entrer ces oeuvres dans cette petite case, à la fois extrêmement vague (quelle oeuvre littéraire n’est pas porteuse d’une confrontation des valeurs ?) et extrêmement réductrice, comme si la question de l’amour se réduisait à une confrontation de valeurs !

Le souci n’est plus de mettre en lumière tous les enjeux du texte, sa richesse interne.
L’oeuvre n’est plus étudiée en elle-même mais, instrumentalisée, elle devient un prétexte. L’étude de la discipline est orientée non pas vers sa nature intrinsèque, mais par les impératifs sociaux, sociologiques et idéologiques auxquelles on la soumet en lui assignant un sens a priori. La littérature devient un outil d’éducation civique et morale, voire de coaching et de développement personnel de mauvais aloi. Or, les valeurs, fussent-elles fondamentales, ne se décrètent pas ex-nihilo et ne s’acquièrent pas parce qu’elles deviennent un thème obligatoire en littérature. Ce programme qui peut sembler au premier abord favoriser l’accès aux élèves à des questions fondamentales, parce qu’il appelle à une lecture réductrice des oeuvres, finit par les en priver. C’est par une longue fréquentation des textes et une étude de leur sens profond, complexe que les élèves peuvent, petit à petit comprendre leurs enjeux et acquérir les valeurs qu’ils défendent, en prenant conscience des conditions dans lesquelles elles sont apparues et se sont construites.

Une vision erronée de la littérature

De telles perspectives d’ « entrées » et de « questionnements » prennent donc
précisément la matière à contresens : en fixant un sens préétabli à l’oeuvre littéraire, en la mettant sous le signe du « message » et de la communication transparente à visée éducative, on supprime la notion même de littérature. On lui impose des « finalités » qui ne sont pas les siennes : l’étude des oeuvres vise au contraire à montrer aux élèves la pluralité des sens et des lectures, liée à la richesse lexicale, syntaxique, historique et symbolique de la langue littéraire, sans jamais enfermer les oeuvres dans une perspective éducative réductrice ni un sens unique.

Par ailleurs, le propre de l’analyse littéraire est justement de mettre en lumière que le
sens ne s’épuise jamais, et qu’il se multiplie même au cours de l’approfondissement de la lecture. Et on ne sait le sens qu’à la fin. Quel est le sens d’Une Charogne de Baudelaire, par exemple : un poème d’amour, destiné à convaincre la femme de sa fragilité, comme dans Mignonne, allons voir si la rose... ? Une célébration morbide de la décomposition, un poème "dégénéré" ? Une provocation à l’égard des romantiques éthérés ? Ou l’apologie du pouvoir de la poésie, un manifeste poétique célébrant la vertu des mots, de leur pouvoir de création et d’effervescence, et même de résurrection et de réincarnation, au sein même de ce qui semble l’image la plus atroce de la mort ? Et la Bérénice de Racine : c’est de l’amour, ou de la politique (la raison d’État, la permanence dynastique), ou du racisme (contre une princesse orientale, incompatible avec les coutumes romaines), ou de la lâcheté ?

La nocivité des principes de ces programmes est patente : ils inversent le processus
formateur et fécond d’appropriation et de découverte des oeuvres, en le stérilisant par avance ; ils commencent par un sens révélé, alors que le cours doit commencer par l’inconnu, le texte, et ne suggérer ses significations qu’en conclusion.

L’expérience reste donc lettre morte : ces programmes du collège réitèrent
curieusement les erreurs des programmes Viala des années 2000, dont les professeurs de lycée ont mis dix ans à se défaire : en imposant a priori aux oeuvres d’entrer dans les catégories figées des « genres » et des « registres » sans jamais, comme dans les programmes 2016, citer un nom d’auteur, ces instructions du lycée ont pendant des années restreint le sens des oeuvres, et dégoûté les élèves du français.

Une disparition des repères chronologiques indispensables à la compréhension du monde

Les indications de corpus, dont nous avons vu à quel point elles étaient insuffisantes et disparates, mêlent non seulement sous un même thème tous les genres et tous les supports, mais aussi toutes les époques.

Ainsi, en 6ème, l’entrée « Résister au plus fort : ruses, mensonges et masques » conduit à étudier les rapports de pouvoir « à travers des fables et fabliaux ou soties » et « une pièce dethéâtre, de l’antiquité à nos jours ». Or, en mélangeant ainsi des textes tant d’époques différentes sur un même thème, soit le professeur multiplie les références historiques au risque de perdre les élèves, soit il les prive du sens profond de l’oeuvre. Comment en effet comprendre les rapports de pouvoir au Moyen Âge sans évoquer un état en construction ou la société des trois ordres et ceux du XVIIème sans la notion de monarchie absolue ? L’entrée par thème dans le texte littéraire ne permet pas de rendre compte de la logique de construction
de la pensée à travers les siècles, prive les élèves de la compréhension des liens et des ruptures entre les textes et les époques et finit par atomiser les savoirs.

En outre, l’incohérence est grande à rompre avec une tradition qui voulait que les
programmes de français s’adossent en partie aux programmes d’histoire, au moment où l’on déclare vouloir favoriser « un travail commun entre différentes disciplines, notamment dans le cadre d’un Enseignement Pratique Interdisciplinaire » (programme pour le cycle 4, p. 247).

Le mélange des genres et des époques favorise la confusion et ne permet la
construction ni de repères chronologiques, ni de repères culturels dont les élèves ont pourtant un grand besoin pour décrypter les oeuvres et le monde, et parvenir à l’autonomie. En réduisant ou supprimant les repères culturels et historiques, c’est la capacité des élèves à comprendre le sens profond des oeuvres qui finit par être mis en danger, et c’est aussi leur capacité à comprendre le monde dans lequel ils vivent qui est menacée.

Une mise en danger de la culture commune formatrice du citoyen

Le programme précise que « L’acquisition d’une culture littéraire et artistique est l’une
des finalités majeures de l’enseignement du français » (programme pour le cycle 4, p. 246) et que les indications de corpus « définissent des points de passages obligés nécessaires à la construction d’une culture commune ».

Comment cela pourrait-il être le cas quand le programme suggère au contraire que tout se vaut ? Comment une culture commune solide, porteuse d’interrogations fondamentales, pourrait-elle émerger d’un corpus immense, qui mêle des oeuvres et des supports disparates, mettant sur le même plan la littérature universelle et les « comics » (sic), l’épopée et la littérature pour la jeunesse, la poésie et les séries TV ? Ainsi, le Ministère de l’Éducation Nationale, sur le site Eduscol propose pour l’entrée en 3ème « dénoncer la société » un corpus hétéroclite dans lequel La Bruyère, Molière, Montesquieu et Marivaux côtoient Claire Bretécher (Agrippine) et Gaby et Dzack (Les Blondes). Un autre corpus pour la même entrée mêle quant à lui des textes de Perrault à Tex Avery...

Le risque est alors grand de voir se creuser les différences entre les établissements de
centre-ville et les collèges de REP, à la faveur du préjugé « déficitariste » décrit par Jean-Pierre Terrail : réduire les ambitions de l’enseignement dispensé aux élèves défavorisés. Le spectre des nouveaux programmes est suffisamment large pour laisser en toute bonne conscience les élèves « nantis » étudier Molière et Racine, tandis qu’on réservera aux « pauvres » le royaume des bandes dessinées. Pourtant l’expérience des professeurs de ZEP/REP leur a depuis bien longtemps montré que seules les oeuvres dites « difficiles » ou classiques suscitent l’intérêt et la réussite des élèves des zones « sensibles ».

Une mise en cause de la liberté pédagogique

Ces entrées thématiques sont extrêmement vagues. Elles peuvent dans un premier
temps donner l’impression de laisser une grande liberté pédagogique au professeur, mais la liberté porte sur les contenus et les méthodes sont imposées, alors que c’est l’inverse qui ferait sens : proposer, dans tous les collèges de France, un programme national fondé sur des oeuvres fondamentales, garantissant à tous l’accès à une culture commune. Le choix des méthodes relève, lui, de la responsabilité du professeur qui seul connaît sa classe et peut s’adapter à ses besoins.

Le risque est grand de cultiver la négation du métier de professeur de français : ces
programmes lui enjoignent d’enseigner contre ce qu’il sait de sa matière - la prééminence des oeuvres -, et contre ses raisons d’enseigner justement cette matière-là... Il faudrait au contraire faire voler en éclats les théories préétablies, et arriver à dire du français ce que les professeurs de philosophie disent de leur discipline : qu’elle est à elle-même sa propre pédagogie.

Une vision réductrice des élèves

De tels programmes montrent l’obsession du ministère pour l’éducation, la socialisation simpliste, et non l’instruction : il fait disparaître l’intérêt du français et de l’étude de la littérature, au profit d’une vision sociologique très pauvre de l’adolescent, d’une catéchisation et d’une manipulation au petit pied de l’élève, et de la négation même de sa liberté de penser et d’interpréter. Qui peut dire que c’est en 5e qu’on se préoccupe de voyages, en 4e d’amour, en 3e de sa personnalité et de sa biographie ? Qui peut dicter à des élèves ce qu’ils doivent retirer de leurs lectures ? En poursuivant le raisonnement, on n’a plus besoin de professeurs : le moindre animateur doit suffire, si les oeuvres littéraires sont considérées comme un catalogue de recettes et d’ingrédients pour appréhender la vie.

C’est comme si les réformateurs du français voulaient supprimer toute respiration,
toute création, toute nouveauté ou toute vie : ils ont une vision réductrice des élèves et de leurs aspirations, un portrait-robot fantasmé en tête, qu’il faudrait satisfaire et façonner, mais pas du tout étonner ni intriguer ni émerveiller ; et une vision desséchée de la littérature, instrumentalisée comme outil de communication, réservoir de "messages" à tout faire, et complètement méconnue dans ses richesses linguistiques de connotation, d’implicite, de poids étymologique, dans ses pouvoirs d’interrogation et de significations. Et si on les suit jusqu’au bout, pourra-t-on encore étudier Rimbaud, Sade, Montesquieu même ? Car peut-être menacent-ils "les valeurs de la République" et la "construction" de l’adolescent...

Une proposition :

Il nous semble donc indispensable de revenir à quelques principes majeurs, incompatibles avec un programme construit en fonction d’entrées thématiques.

- Permettre l’accès de tous à des oeuvres phares, à une littérature universelle, porteuse de questionnements fondamentaux dont la qualité et la profondeur permettent la formation de l’individu et du citoyen ;

- Lier les programmes de français à ceux d’histoire afin de créer une logique
chronologique susceptible de forger des repères historiques et de donner aux collègues une réelle opportunité de travail interdisciplinaire ;

- Laisser aux professeurs la liberté de choix des questionnements sur les oeuvres, des
thèmes à privilégier afin de ne pas fermer l’accès des élèves à la richesse et la
profondeur des oeuvres, et afin d’adapter la lecture des oeuvres au public accueilli.

- Reconnaître que l’étude exigeante des oeuvres fait à elle seule fonction éducative, et
dispense de toutes les « thématiques » du monde : la patience, la rigueur, la
concentration intellectuelle et l’approfondissement nécessaires à la découverte d’un
texte littéraire sont plus formateurs et émancipateurs que la compréhension téléguidée.



Que faire de la grammaire ?

Q : L’enseignement de la grammaire doit-il faire l’objet de temps spécifiques d’apprentissages au collège ? Cet enseignement doit-il être progressif et systématique ?

R : Véronique Marchais

Persona non grata

Disons-le tout de go : la grammaire est la discipline mal-aimée du français. Accusée d’être vieillotte, pesante, d’ennuyer les élèves et d’être, dans le fond, peu utile (on entend désormais des professeurs de Lettres demander : « C’est vrai, à quoi ça va leur servir d’identifier un attribut du COD ? »), elle a été réduite, de réforme en réforme, à la portion congrue, tant par le contenu des programmes que par le temps qui lui est dévolu.

Or, disons-le tout aussi nettement, il s’agit là d’une erreur dramatique. Nous ne parlerons même pas du caractère puissamment formateur de la grammaire, première entrée dans l’abstraction, le maniement des concepts et l’analyse, si fondamentale que les Grecs faisaient de la grammaire la propédeutique à la philosophie. Embrassons un instant l’esprit utilitariste des concepteurs des programmes qui voudraient que la grammaire ne serve qu’à bien lire et à bien écrire. Comment bien lire, comment bien écrire, - comment penser clairement ? – sans une grammaire solide ?

En 2007, le Haut Conseil de l’Éducation faisait paraître un rapport accablant sur l’enseignement de la lecture à l’école primaire. On y lisait ceci : 15 % des élèves entrant au collège connaissent des difficultés de lecture sévères : « dans le pire des cas, ils ne déchiffrent même pas ». 25 % ont « des acquis fragiles » : « Les professeurs de sixième constatent qu’ils lisent trop lentement parce qu’ils déchiffrent mal, ou bien qu’ils déchiffrent correctement mais ne comprennent que très partiellement ce qu’ils lisent, faute des connaissances linguistiques (lexique, grammaire) et culturelles suffisantes. » [1] Presque la moitié des élèves sortant de Primaire en difficulté de lecture, telle est la réalité. Et en effet, ce qui fait achopper les élèves en lecture, ce n’est pas d’abord ces blocages supposés que l’on a voulu voir chez les classes populaires (les difficultés en lecture s’étendant d’ailleurs désormais à toutes les catégories d’élèves) ou quelque difficulté à élaborer l’implicite, mais bien l’insuffisance en vocabulaire et en grammaire, qui ne permet même plus d’accéder à l’explicite. Un nombre considérable d’élèves lit encore au collège sans tenir compte de la ponctuation, ou en considérant comme négligeables les « petits mots » comme « le », « y », pronoms qui assurent pourtant la continuité de la chaîne référentielle ; ils s’embrouillent dans la phrase complexe, voire dans une phrase simple pour peu que le sujet soit éloigné du verbe, ne comprenant plus qui fait quoi ; et ne parlons pas de « dont », confondu avec « donc », ni des relatives introduites par « lequel » ou « laquelle », qui provoquent en général un « Mais ça se dit pas, ça, Madame ! »

C’est parce que leur langue n’est pas structurée par la grammaire que les élèves comprennent si mal un texte. C’est parce que leur langue n’est pas structurée par la grammaire qu’ils s’expriment si mal à l’écrit, négligeant la ponctuation, peinant à segmenter leurs idées, s’embrouillant dans la syntaxe, condamnés au mieux à l’approximation, au pire à une grande confusion.

Pour progresser à l’écrit, les élèves auraient besoin, dès l’école primaire, d’un travail soutenu en grammaire, en grammaire de phrase essentiellement, conjoint au travail de l’écriture, afin de développer parallèlement la conscience réflexive de ce que l’on écrit et la capacité à écrire, à structurer et développer ses phrases. Or, avec les nouveaux programmes, c’est le contraire qui se produit. Il a bien été répété que la présentation des différents domaines du français dans ces programmes correspondait à une hiérarchie nouvelle dont les professeurs étaient censés tenir compte pour modifier leurs pratiques. Ainsi, c’est l’oral qui est mis en avant, en première position dans les compétences à travailler. La langue occupe une nouvelle fois la dernière place. Les programmes sont allégés, le passé simple réduit par exemple à la 3ème personne – et peu importe si cela empêche de lire Molière ou Racine, qui emploient communément le passé simple à toutes les personnes, ou tous les grands classiques pour la jeunesse écrits à la première personne, de Jules Verne (pourtant au programme de Sixième) à Stevenson. Enfin, en formation, on voit des IPR donner en modèle aux professeurs de Lettres des séquences d’un mois où figurent à peine une ou deux séances de langue – aucune dans certains cas. Chaque niveau de l’institution s’emploie à reléguer une fois de plus la grammaire, contre l’intérêt même des élèves.

Les élèves peinent à l’écrit, tout le monde l’a constaté. Quelle est la réponse de l’institution : travailler d’autant plus l’écrit qu’ils en ont besoin ? Développer une grammaire qui fait cruellement défaut aux élèves ? Non, travailler l’oral, qui n’exige pas le même degré de maîtrise de la langue. C’est tellement plus simple, et réclame tellement moins de moyens ! Et tant pis pour les compétences écrites – enfin, tant pis pour ceux à qui leur famille ne transmettra pas ces compétences.

Les dégâts collatéraux de la séquence pédagogique

Dépréciée, la grammaire a désormais besoin d’alibis pour trouver sa place dans le cours de français. Cette idée selon laquelle la grammaire ne peut être enseignée que si elle sert immédiatement à quelque chose de concret (rédiger tel type de texte, par exemple) a pris corps à travers un modèle pédagogique qui s’est imposé dans les années 90 : celui de la séquence. Il s’agit de faire concourir tous les domaines du Français (lecture, étude de la langue, écriture) à la réalisation d’un même objectif (généralement une rédaction), liant ainsi étroitement ces domaines afin de « donner du sens aux apprentissages » - comme si mieux concevoir la structure des phrases, ce qu’il lit, ce qu’il écrit, n’avait aucun sens pour un élève. Concrètement, on demande aux professeurs de partir des textes pour étudier des faits de langue. Outre l’instrumentalisation des textes engendrée par cette approche, qui n’est pas notre propos, la séquence, rapidement devenue le modèle unique imposé aux professeurs de Lettres, a pour conséquence une atomisation de l’enseignement de la grammaire.

Avec la séquence, la grammaire s’est trouvée subitement inféodée à l’ordre des lectures faites en classe. En d’autres termes, ce qui a présidé à l’ordre des leçons de grammaire, à partir des années 90, n’a plus été le souci d’une progression rigoureuse dans ce domaine, mais la considération de l’utilité de tel ou tel point de langue dans tel ou tel chapitre. Si chaque séquence présente une unité séduisante, la succession des leçons de langue au fil de l’année s’avère souvent inadéquate.

En effet, l’étude de la grammaire suppose l’acquisition d’une série de concepts qui présentent une relative complexité pour des enfants. Si cette complexité n’a rien d’insurmontable, elle réclame, pour réussir, une approche méthodique, et la mémorisation des notions au fur et à mesure qu’elles sont abordées, afin de pouvoir progresser. En grammaire plus qu’en tout autre domaine, la répétition est la mère de l’apprentissage, et les notions, lorsqu’elles sont bien distribuées, s’éclairent progressivement lorsqu’on les confronte les unes aux autres au fur et à mesure que l’on avance. Ainsi, la notion de complément d’objet permet de mieux cerner celle de sujet et de poser les bases de la phrase verbale, celle d’attribut permet de revenir sur le complément d’objet pour mieux s’en distinguer ; les circonstances développent et précisent la phrase « de base ».

Une progression grammaticale bien pensée est indispensable. Elle seule permet d’éclairer la syntaxe de la phrase en lien avec la pratique d’écriture de l’élève. Elle est par essence « spiralaire », pour reprendre le jargon cher aux sciences de l’éducation, c’est-à-dire qu’avec l’introduction de nouvelles notions, elle affine en permanence la compréhension des notions déjà étudiées. Elle seule garantit par là l’indispensable mémorisation des concepts, tout en élaborant peu à peu des méthodes d’analyse. Au contraire, la séquence, en cloisonnant telle notion à l’intérieur de tel chapitre, n’assure pas assez le réinvestissement de cette notion qui est, à moyen terme, oubliée. La succession des leçons de langue ne suit aucun ordre logique. On voit communément des professeurs commencer l’année par les compléments circonstanciels ou les expansions du nom, au seul motif que leur chapitre – le roman d’aventures, le récit fantastique… - s’y prête bien, ou en étudiant les valeurs de temps que les élèves n’identifient même pas – ne parlons pas de savoir les conjuguer. Et c’est cet apprentissage sans queue ni tête qui est censé faire sens pour les élèves ?

La grammaire ne peut s’enseigner efficacement que selon une progression méthodique. Or, non seulement l’obligation plus ou moins explicitement faite aux professeurs de travailler en séquences les éloigne de cette réflexion sur les progressions grammaticales, concentrant leur attention et leur énergie sur des questions complètement annexes (« Quel point de langue puis-je étudier à partir de ce texte ? » - comme si un texte avait vocation à illustrer un point de grammaire), mais les nouveaux programmes, avec leur logique de cycle, rendent encore plus difficile l’établissement de ces progressions. Ils en compromettent par ailleurs le caractère national, le choix des points du programme à travailler chaque année étant laissé aux établissements. Plus rien ne garantit donc la continuité des apprentissages dans un domaine aussi essentiel que la grammaire. Un élève qui change d’établissement (et rappelons que, selon une étude de la DEPP, cela concerne 20% des élèves [2]) pourra étudier deux fois de suite le même point ou, au contraire, ne jamais étudier tels autres, attribués par exemple à la Quatrième dans le collège qu’il quitte et à la Cinquième dans l’établissement où il arrive.

Dernière remarque et non des moindres, peu de professeurs placent plus d’un ou deux points de langue dans chacune de leurs séquences – on a vu que c’est d’ailleurs ce qui est donné en modèle par les IPR de certaines académies. Si l’on considère que ces mêmes professeurs peinent à mener plus de six séquences dans l’année, un rapide calcul révèle le peu de grammaire effectivement étudiée au collège en une année scolaire.

La grammaire au rang des travaux manuels

Accusée d’être difficile, austère, trop abstraite, la grammaire, sous prétexte d’être mise à la portée d’élèves toujours soupçonnés d’incapacité a priori, est abordée, pour ce qu’il en reste, d’une manière qui se veut plus ludique et plus concrète. À l’explication claire des concepts, on préfère les « manipulations » – c’est même la seule démarche préconisée explicitement par les nouveaux programmes : l’élève, qui ne sait généralement pas ce qu’est un pronom, est invité à identifier les différents compléments de la phrase en fonction de la façon dont ils se pronominalisent, ou à déterminer si le groupe qu’il doit analyser est « déplaçable » ou « supprimable ». Par exemple, dans « Le chat dort près du feu », l’élève est censé déduire que « près du feu » est un complément de phrase (sic) du fait qu’on peut écrire « Près du feu, le chat dort » ou « Le chat dort ». Le problème est que ces critères de distribution sont extrêmement instables, la place des mots dans la phrase dépendant de facteurs multiples, dont la distinction entre l’information connue (thème) et nouvelle (rhème), les mises en relief et autres effets stylistiques. Si l’élève ne dispose que des critères de distribution pour identifier le COI dans une phrase comme « À son fils cadet, le meunier ne laissa que son chat », il n’y parviendra pas, car « Le meunier ne laissa que son chat » ou « Le meunier ne laissa à son fils cadet que son chat » sont des énoncés tout aussi corrects. On pourrait multiplier les exemples de ce type. Les seuls critères que l’on donne aux élèves pour identifier les différents groupes syntaxiques sont donc insuffisants.

En outre, la description des propriétés des différentes fonctions grammaticales ne peut se substituer à l’explication des concepts, du sens des mots et de ce qu’ils recouvrent exactement en grammaire. Il n’est pourtant pas difficile, même pour un enfant, de comprendre qu’un complément complète, que les compléments circonstanciels ont à voir avec les circonstances de l’action, qu’on parle de complément d’objet en lien avec la construction du verbe (manger quelque chose, prendre quelque chose, penser à quelque chose, vs dormir, éternuer, grandir)…

Expliquer clairement les notions grammaticales, c’est permettre à l’élève de les comprendre pleinement, de les concevoir et, à terme, d’en automatiser la reconnaissance. Cette automatisation est impossible quand l’élève doit sans cesse refaire, pour identifier les groupes, toutes sortes de manipulations hasardeuses, dans lesquelles il se perd bien souvent, sans plus savoir, faute de fréquentation de l’écrit, si telle ou telle tournure est correcte ou non.

Parce que nous avons peur des concepts, parce que nous croyons les élèves incapables d’abstraction, parce que nous avons voulu remplacer cette abstraction par des manipulations concrètes, nous avons réduit la grammaire à une série de « trucs » inopérants. Les professeurs passant beaucoup trop vite sur les bases de la langue, comme la distinction entre temps simples et temps composés, verbe, auxiliaire et participe passé. Faute de mots pour penser ce que l’on écrit, ils expliquent donc à l’élève qu’il faut écrire « a » si l’on peut remplacer par « avait », « mangé » si l’on peut remplacer par « vendu ». Ce qui est vrai. Et applicable lors de petits exercices ciblés. Mais si l’élève n’a pas cette conscience de ce qu’il écrit parce qu’on n’a pas passé suffisamment de temps à créer en lui cette conscience des structures qu’il emploie, il lui est humainement impossible, comme à quiconque d’ailleurs, d’écrire correctement sous la dictée ou quand il doit rédiger son propre texte. Qui, en effet, peut écrire en pensant perpétuellement à changer chaque mot par un autre pour en vérifier l’orthographe ? L’intelligence de la langue n’est pas réductible à une série de « trucs ». Elle se construit patiemment à travers l’étude de la grammaire qui, à travers les mots adéquats, permet de prendre conscience de ce que l’on écrit.

Ce n’est pas en faisant davantage d’oral que les élèves comprendront mieux les textes écrits ni s’exprimeront mieux – pas même à l’oral, puisque, passé un point relativement précoce, c’est la langue écrite qui nourrit la langue orale, et non plus l’inverse, et que tous les bons orateurs écrivent leurs discours. Il leur faut au contraire passer du temps sur l’écrit, et sur ce qui constitue, avec le lexique, la clé de l’accès à l’écrit : la grammaire.

Nos propositions :

- Réaffirmer la place fondamentale de la grammaire dans l’enseignement du français. Si la grammaire n’est pas une fin en soi, sa maîtrise doit être un objectif à part entière de la scolarité primaire et secondaire, car elle conditionne la possibilité de bien lire, bien écrire et bien dire ;

- Cesser de réduire la grammaire à une série de manipulations qui ne permet jamais à l’élève de concevoir pleinement les concepts, ni de se forger une représentation claire des structures qu’il emploie. Renouer au contraire avec une grammaire qui articule sens des concepts et sens de la phrase ;

- Récrire les programmes de façon à garantir un enseignement progressif de la grammaire année après année, à l’échelle nationale ;

- Former les professeurs à l’enseignement de la grammaire, car ceux-ci n’ont bien souvent connu, en la matière, que le discours des IUFM ou ESPE, consistant le plus souvent à expliquer comment faire le moins possible de grammaire, et seulement sous couvert des textes. La réflexion sur les progressions grammaticales est un point central de la pédagogie de la grammaire, qui pose problème aux enseignants, et dont la formation initiale et continue doit s’emparer.



Comment faire lire un texte ?

Q : Le français au collège doit-il favoriser une lecture analytique des textes, une réflexion sur les processus d’écriture et leur sens, afin de développer des compétences d’analyse et d’interprétation des textes ? Ou doit-il se centrer sur la compréhension littérale des textes, parce qu’elle est souvent problématique en elle-même pour un certain nombre d’élèves, au risque de réduire l’enseignement du français au collège à une fonction de communication ?

R : Véronique Marchais

L’Histoire est souvent faite de coups de balanciers alternatifs, et la pédagogie n’échappe pas à cette règle. Les années 90 ont vu le triomphe d’une approche très technique des textes, considérés non comme des œuvres mais comme de simples discours dont il convenait d’établir une typologie à grand renfort de critères formels. Les collégiens de cette époque ont baigné dans les textes explicatifs, argumentatifs, descriptifs, les figures, les champs lexicaux… Cette approche technique et aride pouvait faire complètement fi du sens du texte, et l’on a vu trop souvent des professeurs se lancer tête baissée dans l’analyse d’extraits dont le sens littéral n’était même pas compris des élèves. Les programmes de 2008 ont tenté de mettre fin à cette dérive et de rendre à la littérature sa dimension humaniste. Hélas, ils ont fait long feu. Applicables à partir de la rentrée 2009, ils ont connu un coup d’arrêt en 2012 avec l’annonce d’une nouvelle réforme.

Celle-ci a au moins le mérite de prévenir tout nouveau risque de dérive techniciste, étant donnée son insistance sur le travail de la compréhension des textes : les programmes de cycle 3 développent sur pas moins de quatre pages la nécessité de travailler la compréhension des textes, de mettre en œuvre avec les élèves des stratégies explicites d’élaboration du sens et de confronter les interprétations. Si ce souci d’assurer avant toute chose la compréhension des textes lus est on ne peut plus légitime, on peut craindre, pour le coup, que le cours ne se réduise à cela, tant la place accordée, dans ces programmes, à un apprentissage progressif de l’analyse littéraire, même modeste, reste discrète (quelques rares occurrences en regard des quatre pages détaillées consacrées à la compréhension).

Cette inquiétude pourrait sembler un mauvais procès fait à ces nouveaux programmes qui, il faut avoir l’honnêteté de le dire, n’occultent pas tout à fait l’analyse (et qui pourraient même lui accorder une part somme toute raisonnable si professeurs et IPR s’accordaient sur l’importance des rares passages où elle est mentionnée). Mais elle est renforcée par le sort fait au français dans la réforme structurelle qui accompagne ces nouveaux programmes. En effet, l’approche par compétences et le discours actuel qui affirme que le français est une compétence transversale et que la compréhension de textes se travaille dans toutes les matières, lesquelles participent d’ailleurs toutes, sans pondération, à l’évaluation de la maîtrise de la langue ou des capacités de lecture, renforcent cette idée que la capacité à bien lire un texte se réduit à la compréhension d’un sens littéral et au prélèvement d’informations. Ce sont en effet ces seules capacités que les autres matières peuvent éventuellement évaluer, n’ayant pas vocation à proposer des textes résistants, dont la fonction excède une simple fonction de communication. C’est la spécificité du cours de français que d’apprendre à lire des textes plus complexes, plus riches de sens (au pluriel), et de nourrir cette capacité à accéder à un sens plus subtil, moins immédiat, grâce à l’analyse.

Entendons-nous bien. Nulle personne sensée ne souhaite faire de collégiens de 11 à 15 ans de doctes rhéteurs citant des procédés littéraires à tout-va. Mais prétendre couper la compréhension de l’analyse, ce serait une dérive tout aussi terrible que de réduire l’enseignement des textes à l’analyse, ce serait empêcher les élèves d’accéder réellement au(x) sens des textes. Car il n’existe pas une compréhension des textes, mais différents degrés de compréhension, qui se nourrissent de l’analyse. Qu’est-ce qu’un élève comprend de Candide s’il réduit l’œuvre à son argument, une série de péripéties invraisemblables ? Que comprend un élève de ce qu’il lit s’il ne saisit pas l’ironie du portrait que fait Montesquieu du roi de France, « ce grand magicien » ? Lire Barbusse ou Remarque, ce n’est pas seulement lire des récits de guerre, c’est lire de vibrants appels à la paix et à la fraternité, qui passent par la mise en scène toute littéraire de l’horreur et de l’émotion. Si « élaborer l’interprétation » d’un texte comme Barbe-Bleue, c’est se contenter d’expliquer la morale, c’est d’un ennui et d’une platitude affligeants. Comprendre le sens de Barbe-Bleue, c’est aussi réfléchir aux passions de l’Homme, aux faiblesses attribuées aux femmes, au lien entre règle, transgression, châtiment et démesure, ce qui n’est possible que par une analyse des éléments du texte (comme le simple fait de remarquer que, contrairement à la plupart des contes, à la fin, ce n’est pas le personnage qui a transgressé les règles énoncées qui est puni).

Comprendre un texte, c’est aussi en comprendre la tonalité, la visée, les enjeux, la portée symbolique, ce qui n’est pas une évidence mais se construit par une observation minutieuse du texte : une analyse. L’habileté de lecture, de compréhension fine, se développe avec la capacité à analyser le texte, à mettre en relation des moyens et des effets, un contexte et des enjeux. Et cette capacité d’analyse, transposable à toutes sortes de situations, éminemment utile dans le monde complexe qui est le nôtre, participe pleinement de la formation de la personne et du citoyen.

Par ailleurs, permettre aux élèves d’entrer dans « la cuisine » des textes, de voir comment ils sont faits, comment sont créés les effets qu’ils sentent à la lecture, c’est leur permettre de s’approprier ces effets et de les reproduire dans l’écriture. L’analyse vient alors nourrir doublement l’élève : elle nourrit sa compréhension des textes, mais aussi sa langue, sa capacité à produire à son tour des effets maîtrisés à l’écrit ou à l’oral.

Q : Le français au collège doit-il favoriser l’élaboration d’une culture commune humaniste, reposant sur l’approche de textes littéraires majeurs de notre patrimoine ?

L’autre point sur lequel les nouveaux programmes de français reviennent en arrière, c’est celui de la nature des textes étudiés en classe. Les programmes de 2008, soucieux de transmettre une culture générale à tous les élèves, avaient clarifié la situation, réservant la littérature pour la jeunesse à la lecture cursive, en dehors des heures de cours (ce qui n’empêche pas d’en parler en classe), et le temps de classe à l’étude d’œuvres plus ambitieuses nécessitant la médiation du professeur. Les nouveaux programmes, prenant le contrepied de la réforme précédente, réintroduisent la littérature de jeunesse dans les classes, au motif de proposer des œuvres variées et adaptées au niveau des élèves. Ce point mérite qu’on s’y arrête.

Rappelons que cette réforme s’est donné pour ambition de réduire les inégalités entre les élèves. Or, il n’est rien de plus discriminant que le relativisme culturel, qui revient bien souvent à une assignation de l’élève à son cercle d’origine. J’aimerais bien voir qu’à Stanislas ou Condorcet, on étudiât l’Autobiographie d’une courgette plutôt que Rousseau, ou Inspecteur Toutou plutôt qu’une pièce de Molière. La vérité du terrain, c’est que le relativisme n’est bon que pour les pauvres, et que pendant que le beau monde aura accès aux œuvres de référence, les élèves de REP devront se contenter de productions contemporaines inégales que personne, en dehors des professeurs de Lettres, ne connaît. C’est ainsi que, sous prétexte d’aider les élèves, on creuse les inégalités, donnant toujours moins à ceux qui ont moins.

Il est vrai qu’avec certains élèves, lire Corneille, Hugo ou Voltaire est une gageure. Mais cette gageure mérite d’être relevée, les élèves méritent – tous, sans condition – qu’on la relève pour eux, avec eux. Certes, le vocabulaire, la syntaxe poseront problème. Mais il appartient au professeur de s’atteler à ces problèmes pour amener les élèves à les surmonter – plutôt que de renoncer à l’avance et de se rabattre sur des textes faciles. C’est ainsi, en faisant véritablement œuvre de pédagogie (pédagogie souvent discrète, besogneuse, loin des effets de mode, innovante ou pas, peu importe), en confrontant les élèves à des textes ambitieux, que le professeur les élève, nourrit leur langue, leur lexique, leur syntaxe, leur capacité à lire et comprendre des textes véritablement variés. Car nulle inquiétude, l’élève nourri d’Hugo et Voltaire pourra toujours, s’il le souhaite, lire Inspecteur Toutou ou Autobiographie d’une courgette, alors que l’inverse reste très incertain. Si l’on veut vraiment former des élèves capables de lire des textes variés, le seul horizon possible est un horizon ambitieux, en vertu du principe selon lequel qui peut le plus peut le moins, et non l’inverse.

Malgré son caractère limité et inégalitaire, un des arguments souvent invoqués en faveur de la littérature de jeunesse est qu’elle séduirait davantage et favoriserait partant le développement de la lecture. Notre propos n’est certainement pas de jeter l’opprobre sur la formidable richesse de la littérature contemporaine pour la jeunesse, capable de répondre à tous les goûts, et dont l’intérêt en ce qui concerne la lecture cursive, personnelle, est indiscutable. Mais nous nous interrogeons sur la pertinence d’étudier ces textes en classe. Ces œuvres, pour plaisantes qu’elles puissent être, restent simples, monosémiques. Elles sont simples parce que monosémiques. Elles ne disent rien de plus que ce qu’elles disent littéralement, n’appellent aucune interprétation, aucun dévoilement. Dès lors, leur étude est souvent d’un profond ennui, parce qu’il n’y a tout simplement rien à en dire. Pour éviter la paraphrase, le professeur en est réduit à ces analyses purement techniques évoquées au début de ce billet. Et de la technique qui, pour le coup, ne mène nulle part, puisqu’il n’y a nulle part où aller au-delà du sens littéral.

Un autre préjugé relatif aux textes à étudier en classe concerne leur longueur. On a répondu aux difficultés de lecture des élèves en réduisant toujours plus la taille des textes. Au Brevet, depuis des années, une norme s’est dessinée autour d’une vingtaine de lignes. La norme étant par définition normative, ce format a fini par s’imposer dans la plupart des manuels et dans l’esprit des professeurs. Dans les petites classes de collège, les extraits plus courts encore – que j’aurais davantage envie d’appeler échantillons que textes à part entière – ne sont pas si rares. Que peut-on dire sur quinze à vingt lignes de textes ? Certes, il y a parfois de la matière, quand l’œuvre est riche. Mais quand les élèves ne voient jamais que cela, c’est, là encore, très limitatif. Une vingtaine de lignes permet rarement d’entrer dans une histoire, de se plonger dans son atmosphère, de rencontrer ses héros. Cela offre si peu de matière que nous n’avons presque rien à dire sur les personnages, leur psychologie, leurs motivations, l’action, ses retournements. C’est pourtant ça qui fait le plaisir de lire.

Au contraire, les professeurs qui, à la faveur des programmes de 2008, ont délaissé la littérature de jeunesse au profit de textes classiques substantiels ont redécouvert la formidable vitalité de ces derniers, leur universalité capable de traverser le temps et de séduire des collégiens des années 2000 aussi bien que leurs aînés. L’intérêt d’un texte, celui qu’il parviendra à susciter chez une jeune personne, tient à sa richesse, à sa capacité à mettre en mots l’expérience humaine et à résonner en tout un chacun, d’autant plus profondément que ses significations sont nombreuses. Les élèves qui découvrent Oliver Twist livré à Faggins, le combat entre Challenger et un dinosaure, la folie meurtrière de Médée, le mélange d’émois et d’ambition de Julien Sorel, la rigidité impitoyable de Javert face à la grandeur d’âme d’un ancien forçat, le cynisme d’un Vautrin, sont enthousiastes, ont mille choses à dire sur le texte, pourtant séculaire, qu’ils ont entre les mains. Chacun peut en faire l’expérience à condition d’accepter de se confronter à la difficulté – mais l’intérêt que ces textes suscitent est un formidable levier pour surmonter ces difficultés.

La défiance de professeurs de Lettres même vis-à-vis des œuvres de référence de la littérature est fort regrettable – et le résultat d’un discours idéologique qu’il serait temps de battre en brèche. Les classiques ne sont pas devenus classiques par le caprice ni la volonté dictatoriale d’une caste – et c’est fort mal comprendre Bourdieu que de penser que priver des générations entières des références que « les héritiers » trouvent dans leur famille résoudra les inégalités. Les classiques sont devenus classiques à cause de leur richesse universellement saluée (une richesse qui, d’Homère à Dostoïevski, de Voltaire à Orwell, de Virgile à Shakespeare, excède tout cadre national), à cause de leur capacité à parler de l’Homme à l’Homme, à mettre en mots les grandes questions qui se posent à eux.

On nous a beaucoup parlé, avec ces nouveaux programmes, de valeurs. On a créé l’Éducation Morale et Civique, prié les professeurs de français d’y participer. Mais que serait un enseignement des valeurs qui se couperait des œuvres et des contextes qui les ont vu naître et grandir ? Un simple arbitraire, un discours purement idéologique au même titre que les autres discours idéologiques avec lesquels il pourrait entrer en conflit. Si nous voulons convaincre de la validité des valeurs de la France, alors il nous faut susciter l’adhésion réfléchie à ces valeurs par la confrontation aux grandes œuvres qui, depuis l’Antiquité, ont contribué à leur formation. Toute l’œuvre d’Homère est une réflexion sur l’Homme et ses limites, sur le danger de la barbarie. Les Mille et une Nuits mettent en scène les fastes d’une civilisation qui exalte la tolérance et l’intelligence. La matière de Bretagne invite à l’excellence par le sens du service et le dépassement de soi. Les grandes œuvres romantiques interrogent la naissance de l’individu moderne, sa singularité et sa vulnérabilité, mais aussi le besoin d’idéal de l’Homme et son désarroi face à une société trop matérialiste – interrogations d’une confondante actualité. Bien au-delà de La Fontaine, de Rabelais et des Lumières, les œuvres de référence le sont devenues parce qu’elles ont été capables d’apporter des réponses puissantes à la question des valeurs qui est effectivement importante dans la construction de l’individu. C’est à travers elles que l’on peut comprendre la formation de ces valeurs et y adhérer. Les œuvres classiques, que l’on appelle parfois œuvres patrimoniales (mais ce serait un patrimoine de l’humanité, et non un patrimoine étroitement national), sont la matière première de l’humanisme et doivent être au cœur d’un enseignement qui se veut humaniste : capable d’instituer l’Homme par la qualité de la réflexion qu’il propose, la solidité et l’universalité des références qu’il transmet.

Enfin, les œuvres classiques constituent ce que l’on appelle, parfois avec un peu de mépris, comme si c’était devenu une chose ridicule, la culture générale. Cette culture qui sera toujours transmise dans les familles aisées et qui ne disparaîtra, si on la chasse des écoles, que pour les plus démunis. Or, la culture générale, ce n’est pas seulement cette confiture que l’on peut étaler lors des dîners. C’est ce fonds humaniste dont on se trouve dépositaire. On, tous -idéalement. Cette culture générale, c’est à la fois un fonds commun et un un horizon commun, un monde commun pour penser, échanger, vivre ensemble. C’est ce qui manque cruellement à bien des jeunes gens d’aujourd’hui.

Les élèves sont des Hommes comme les autres : ils s’enthousiasment pour les grandes questions qui se posent à l’Homme : ils s’enthousiasment pour les grands textes qui, depuis l’aube de la littérature, prennent en charge ces questions. Ils y entrent d’autant mieux et avec d’autant plus de plaisir qu’on leur permet, grâce à une analyse bien dosée, de mieux comprendre ces textes et leurs enjeux. Et c’est ainsi qu’ils peuvent accéder, quels que soient leur milieu d’origine ou la maîtrise du français dans leur famille, à une richesse linguistique et à une culture qui restent des clés du monde contemporain.