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La refondation démocratique du système éducatif peut-elle être à l’ordre du jour ?

Tous les enfants peuvent réussir

jeudi 22 mars 2012, par Janine Reichstadt

Est-ce « charger la barque » de l’école que refuser de s’arrêter à la crise et à la politique de la droite pour expliquer les difficultés des élèves d’origine populaire ? Les enseignants sont malmenés par la RGPP et les redoutables mesures de restructuration du système éducatif mais aussi par l’échec scolaire, douloureux pour eux et les élèves qui le vivent. La contradiction entre les contenus des programmes et l’impossibilité de se les approprier est source pour trop d’élèves, de souffrance et de tensions. Or ce sont les enseignants qui subissent au premier chef les manifestations d’indiscipline, d’incivilité voire de violence que cette situation peut générer, et rien n’est fait, et pour cause, pour que les difficultés soient sérieusement travaillées dans le cadre d’une politique de réussite scolaire massive.

Par le biais de la Fondapol, l’UMP a dans ses cartons la création d’ « écoles fondamentales » pour les élèves aux résultats insuffisants en fin de primaire, afin de les conduire vers des filières professionnelles, en privilégiant les « exercices pratiques » dans les méthodes d’enseignement. C’est que selon la Fondapol « De nouvelles formes d’hétérogénéité sociale rendent désormais impossible la distribution d’un même savoir à tous, au même moment de la vie et selon les mêmes méthodes. »

Il est clair qu’une autre volonté politique portée au pouvoir est nécessaire pour stopper une telle logique, et que cette volonté devra s’appuyer sur des moyens à la hauteur des nécessités. Mais pas pour revenir à l’école d’avant les premières mesures structurelles de la droite, car c’est une école où trop d’enfants des classes populaires échouent. Seul un projet de refondation démocratique du système éducatif peut être à l’ordre du jour.

Or, et c’est un point qu’il faut souligner, rien ne pourra aboutir dans ce sens sans une implication majeure des enseignants, car des moyens et des changements sociaux très importants ne règleront jamais à eux seuls ce qui se joue au sein de la classe.

Lorsque l’on insiste sur cette dimension il arrive que l’on soit décrié au motif que l’on reporterait sur les enseignants toute la responsabilité des difficultés scolaires, alors que la crise, le chômage, la précarité, en seraient dédouanés. Or sans nier les conséquences de cette situation sur les enfants il n’est toutefois pas pensable de les y enfermer, et de déclarer l’école impuissante sur son propre terrain.

Les enseignants ne sont pas responsables de la crise mais ils le sont de leurs pratiques. Même s’ils n’ont pas à en assumer tous les aspects, leur refuser cette responsabilité ne serait que mépris à leur égard. La recherche montre aujourd’hui que des dispositifs d’enseignement répandus sont contreproductifs, car les élèves en difficulté ou jugés susceptibles de le devenir sont trop souvent considérés comme incapables d’accéder aux exigences conceptuelles des savoirs. On leur propose alors des tâches « facilitantes » qui les éloignent inexorablement des enjeux intellectuels des apprentissages.

Cette situation doit être dépassée, mais pour ce faire des changements de la culture professionnelle enseignante s’imposent, tel que l’abandon de la croyance répandue en des handicaps socioculturels qui frapperaient les enfants des classes populaires. Nous savons aujourd’hui que tous les enfants sont dotés des capacités de réflexion, d’abstraction, de rationalisation inhérentes à la langue qu’ils parlent, en mesure de leur permettre d’entrer avec succès dans la culture écrite de l’école. Travailler à l’école avec ce savoir est décisif.

La confrontation des pratiques d’enseignement, la recherche entre pairs avec l’apport des chercheurs, une autre formation et d’autres conditions de travail, peuvent engager l’école dans un profond processus de démocratisation. Avancer cela n’est pas faire fi du reste : c’est conforter l’esprit de responsabilité des enseignants et leur désir de faire réussir leurs élèves.

Tribunes & Idées
L’Humanité . Mercredi 21 mars 2012


Pour approfondir la réflexion on pourra se reporter l’ouvrage du GRDS récemment publié à La Dispute : L’école commune. Propositions pour une refondation du système éducatif , 2012, 207 pages, 15 euros.