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Observer et comprendre les pratiques enseignantes

lundi 9 mars 2009, par Jérôme Deauvieau

Cet article a pour but d’éclairer la genèse des pratiques enseignantes à l’entrée dans le métier. Il s’appuie pour ce faire sur l’observation en classe de nouveaux enseignants de Sciences Economiques et Sociales. On repère d’abord les variations entre enseignants dans la façon de prendre en charge en classe deux principes de l’enseignement des sciences sociales dans le secondaire long en France : l’utilisation du cours dialogué et la transmission d’un contenu d’enseignement en prise avec les enjeux du monde contemporain. On propose ensuite une explication de cette polarisation, visible dès la prise de poste, des comportements enseignants.

1. Introduction

L’arrivée de nouveaux publics dans l’enseignement secondaire interroge, depuis le milieu des années 1970, les pratiques d’enseignement (Chapoulie, 1987). La seconde explosion scolaire, généralisant entre 1985 et 1995 l’accès au lycée, déstabilise le métier enseignant (Chatel, Roger, Rochex, 1994). La question de l’accueil des nouveaux publics et celle du traitement de la difficulté scolaire fait irruption à l’intérieur de l’institution. Leurs conséquences sur l’exercice professoral peuvent être examinées sous différents aspects. D’abord à propos de la définition même du métier enseignant, en regardant les effets des évolutions de l’enseignement secondaire sur l’état du corps enseignant tout entier (Dubet, 2002). On peut également s’intéresser au travail enseignant lui-même et à l’articulation des différents faisceaux de tâches qui le composent (Barrère, 2002). Enfin, et c’est le point de vue adopté ici, on peut chercher à observer directement les pratiques enseignantes en classe (Demailly, 1984 ; Isambert-Jamati, 1995).

Dans cette perspective nous rendons compte ici d’un travail d’observation approfondie des pratiques enseignantes auprès de professeurs des Sciences Economiques et Sociales (noté SES à partir d’ici) ayant une ou deux années d’ancienneté (cf. encadré méthodologique). Le choix de travailler auprès de « nouveaux enseignants » présente un double intérêt. En observant précisément l’entrée dans le métier on se donne tout d’abord les moyens de réfléchir la genèse des pratiques enseignantes en annulant l’effet « carrière ». Ce choix constitue également un point d’entrée pour l’étude plus générale du monde enseignant. On sait en effet qu’est engagé aujourd’hui un renouvellement important de l’effectif des professeurs du secondaire (Dérouillon-Roisné et Péan, 2000). Mieux comprendre le processus actuel de « fabrication » d’un enseignant du secondaire permet d’apporter des éléments sur la dynamique actuelle du groupe professionnel.

L’observation porte sur les pratiques enseignantes dans les classes « faibles », celles où le niveau scolaire d’une partie importante des élèves est médiocre. Ce dispositif permet d’homogénéiser les contextes d’enseignement dans lequel s’inscrivent les pratiques observées, homogénéisation d’autant plus évidente que les nouveaux enseignants sont justement affectés dans des établissements où les classes « faibles » sont très fréquentes. Il permet également de s’intéresser plus particulièrement aux pratiques enseignantes face à la difficulté scolaire qui est une dimension inhérente à ces classes « faibles ». Or, cette gestion de la difficulté scolaire est devenue, dans le contexte actuel de d’allongement des scolarités sans élévation massive des acquisitions cognitives des élèves, une question qui interpelle l’ensemble du groupe professionnel des enseignants du secondaire (Deauvieau, 2005b).

Le point de départ de l’observation du travail enseignant pourrait être le suivant : dans le primaire comme dans le secondaire, le travail enseignant est encadré par des dispositifs de scolarisation (Terrail, 2003). Enseigner c’est s’appuyer sur un programme d’enseignement (le curriculum), sur un horaire codifié, sur des manuels « agréés », sur des « Instructions Officielles », sur des idéologies pédagogiques instituées. Dans l’enseignement secondaire, le dispositif de scolarisation est d’abord constitué d’une organisation en trois secteurs : l’enseignement général, l’enseignement technologique et l’enseignement professionnel. Chacun de ces secteurs est organisé selon des modalités d’apprentissage propres, liées à leur finalité respective (Tanguy, 1983), qui constituent autant de dispositifs de scolarisation encadrant l’activité enseignante. Ces dispositifs de scolarisation sont également définis au sein d’une discipline donnée. Ainsi, pour le cas qui nous intéresse ici, les SES, l’enseignement des sciences sociales en France dans le secondaire long a des spécificités qui tiennent autant à l’histoire propre de la discipline qu’à celle du corps enseignant chargé de le mettre en œuvre. Pour des raisons historiques que nous détaillerons plus loin, l’enseignement des SES en France est structuré autour de deux grands principes : du point de vue des pratiques pédagogiques, sur l’idée qu’il faut mettre en place des « méthodes actives » d’enseignement ; du point de vue des contenus d’enseignement sur le fait que le curriculum est basé sur la compréhension de questions socialement vives et non sur un savoir économique déconnecté des enjeux contemporains ou à consonance « pratique ».

Aucun enseignant de SES en France ne peut s’affranchir totalement de ces deux principes disciplinaires : ils constituent en quelque sorte le point de départ de leur activité. Mais chaque enseignant ne les traduit pas de la même manière dans son activité. Ce sont ces variations entre enseignants dans la prise en charge des principes disciplinaires qui sont ici observées en classe. Nous avons cherché à comprendre ces pratiques enseignantes en répondant successivement aux trois questions suivantes : Comment ces principes disciplinaires sont-ils traduits par les nouveaux enseignants dans les classes faibles (points 2 et 3) ? Les variations idéales typiques de pratiques enseignantes peuvent-elles être envisagées comme une polarisation des comportements enseignants (point 4) ? Quels sont le ou les processus susceptibles de rendre compte des variations de comportement enseignant à l’entrée dans le métier (point 5) ?

Cet article s’appuie sur des matériaux produits dans le cadre d’une thèse de doctorat portant sur l’entrée dans le métier enseignant (Deauvieau, 2004b). Le corpus empirique est composé de deux éléments.
- D’une part 37 entretiens biographiques menés auprès de professeurs stagiaires de Mathématiques, Lettres Modernes, Histoire-Géographie et Sciences Economiques et Sociales et portant sur la trajectoire d’accès au métier, sur le rapport à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres et les premières expériences professionnelles.
- D’autre part des observations en classe de huit professeurs de SES ayant de une à deux années d’expériences, soit au total 95 heures d’enseignement observées. Sur ces huit professeurs, six ont pu faire l’objet d’une observation suivie sur 18 mois à partir de leur entrée dans le métier. Le matériau recueilli auprès de ces six professeurs est donc composé pour chacun d’eux d’entretiens répétés au long de leur deux premières années dans le métier et d’au moins 10 heures d’observation de classe. Chacun de ces enseignants, comme la plupart de ceux qui entrent dans le métier, a été affecté dans un établissement dont le recrutement social est plutôt populaire. Pour homogénéiser plus encore les situations observées, nous avons pour chaque enseignant à chaque fois observé la ou les classes la plus « faible » scolairement.

2. Faire du cours dialogué

2.1. Les méthodes actives : une injonction pédagogique liée à l’histoire de la discipline

Créée au milieu des années soixante, la discipline SES marque dès l’origine sa spécificité dans le paysage de l’enseignement secondaire par son caractère pédagogique novateur. Comme le remarque E. Chatel, « les instructions de 1967 sur les méthodes sont plus longues que le programme » (Chatel et al., 1990). Le paradigme pédagogique de la discipline SES, à l’origine porté conjointement par l’inspection et le corps enseignant, est unifié autour du principe des « méthodes actives », ensemble de procédés visant à mettre en activité l’élève dans la classe en favorisant son travail autonome. L’un des symboles de ce principe a été l’organisation spatiale de la classe en forme de U, brisant le côté frontal de l’organisation traditionnelle de la classe et visant à permettre du même coup la coopération entre élèves.

Ce n’est pas le lieu ici de décrire les injonctions pédagogiques diverses et variées (travaux sur documents, pédagogies inductives etc…), et leur évolution au gré des débats et controverses qui sont intervenus dans le corps enseignant depuis la création de l’enseignement des SES. Ces diverses conceptions pédagogiques ont effectivement évolué au cours du temps. Par contre, l’idée selon laquelle un bon enseignement de Sciences Economiques et Sociales doit se construire sur une participation active des élèves est restée une sorte de recommandation pédagogique officielle – portée notamment par nombre de formateurs en IUFM ou d’inspecteurs -, tant il est admis que le cours magistral « pur » est à proscrire. C’est en cela qu’on peut parler d’une injonction au cours dialogué : un bon cours est un cours durant lequel les élèves participent, les nouveaux enseignants de SES ont tous appris cette maxime à l’IUFM (« à l’IUFM, on m’a fait comprendre qu’un cours magistral est un mauvais cours »). Cette critique du cours magistral est d’ailleurs aujourd’hui assez généralisée dans l’institution scolaire et dans l’ensemble partagée par la grande majorité des enseignants du secondaire quelle que soit leur discipline (Barrère, 2002).

Découvrant cette injonction pédagogique au moment de leur entrée dans le métier, les nouveaux enseignants de SES, dans leur grande majorité, adhèrent à son esprit. Ils adhèrent à une idée, non pas à un ensemble structuré et cohérent de pratiques pédagogiques. Cette idée se résume pour l’essentiel au fait qu’il faut faire participer les élèves, qu’un cours de SES doit s’appuyer sur cette participation, et que le cours dialogué est la seule solution pour « motiver » les élèves des milieux populaires et/ou les plus en difficulté.

2.2. Le cours dialogué dans les classes « faibles »

C’est donc avec cette injonction à la participation des élèves que les professeurs abordent l’enseignement dans les classes faibles. La désillusion est souvent au rendez-vous : le « cours dialogué » et les « méthodes actives », souvent présentées comme des remèdes pédagogiques à la difficulté scolaire, sont précisément particulièrement difficiles à mettre en place… dans ces classes faibles. Ces méthodes d’enseignement conduisent à un affaiblissement des pratiques « explicites » de l’enseignement au profit d’une pédagogie plus « invisible » (Bernstein, 1975). Or, dans les classes où les élèves sont en difficulté scolaire, l’invisibilisation des pratiques pédagogiques passe mal. Le fait par exemple de devoir « trouver » le cours à partir d’exercices et de noter de manière autonome les résultats peut provoquer une grande incompréhension de la part des élèves des classes faibles, comme le montre cet extrait d’entretien d’un jeune enseignant de SES affecté dans un lycée populaire de Seine Saint Denis.

« Là cette année, les méthodes actives c’est zéro. C’est impossible. (…) Que ce soit avec les secondes ou les premières, c’est dictée quoi, dictée dictée dictée, et que si t’essaies de faire un peu autre chose ils perdent les pédales. (…) par rapport à ça c’est terrible, c’est profil bas par rapport aux méthodes actives. (…) Moi c’est net, ça pose problème. Et en même temps du point de vue du cours c’est pas satisfaisant de dicter, c’est un drame quoi, on a envie de discuter. T’as envie de les faire réfléchir, alors t’essaies une fois parce que moi j’ai pas envie de lâcher donc j’essaie de le faire… mais ça marche une fois de temps en temps, ça arrive quelquefois ».

Lorsque le cours dialogué s’installe malgré tout dans les classes faibles, les résultats sont rarement ceux escomptés. Les professeurs peuvent vite se retrouver « débordés » par la parole des élèves et en quelque sorte piégés par leur propre sollicitation de participations. Les élèves se mettent alors à parler plus ou moins tous en même temps et finissent manifestement par considérer que l’important est de donner une réponse, quelle que puisse être sa pertinence ; les professeurs peinent à organiser le trop plein de participation, ce qui rend l’interaction scolaire peu audible et cognitivement faible (« ils participent beaucoup, trop presque, ils sont très enthousiastes, ils posent plein de questions et c’est parfois difficile de les arrêter »).

Si la mise en place du cours dialogué dans les classes faibles oscille entre sous-participation et sur-participation tous azimuts des élèves, c’est bien parce que l’effectivité pédagogique de cette pratique requiert des dispositions scolaires spécifiques. Dans l’idéal, un « bon » cours dialogué est celui où la progression du propos se nourrit des interventions simultanées du professeur et des élèves. Les questions de l’enseignant et les réponses des élèves construisent peu à peu la compréhension générale et les questions des élèves et les réponses de l’enseignant permettent de revenir sur des points que certains élèves n’ont pas compris. Ce modèle, pour fonctionner correctement, doit s’appuyer sur deux dispositions scolaires des élèves. La première concerne l’attention : un cours dialogué ne peut fonctionner correctement qu’à la condition qu’une partie significative des élèves écoute de manière continue le cours. La seconde, plus décisive encore, concerne directement les ressources cognitives des élèves. Pour répondre aux questions ou demander des précisions, il faut que l’élève parvienne à intégrer en temps réel les développements du cours. Or, ces dispositions scolaires font tendanciellement défaut dans les classes faibles. On voit ici le paradoxe de cette pratique pédagogique : pensées comme un « remède » pour les élèves en difficulté et généralement présentées comme une alternative au cours magistral pour « accrocher » les nouveaux lycéens, les « méthodes actives » se révèlent, aux dires même des enseignants, beaucoup plus efficaces dans les « bonnes » classes que dans les « mauvaises ».

2.3. Pratiquer le cours dialogué : activisme langagier ou mise en activité intellectuelle ?

Au fond, l’injonction au cours dialogué ne constitue pas en soi une réponse à l’incertitude pédagogique des enseignants dans les classes faibles. La question reste même entière : les nouveaux enseignants veulent bien faire du « cours dialogué », faire participer les élèves, tout spécialement dans les classes où le niveau scolaire est faible, mais comment faire ? Comment gérer l’oscillation entre sous-participation et sur-participation des élèves ? Les pratiques enseignantes en classe du cours dialogué sont diverses, au gré des circonstances, de l’ambiance des classes rencontrées. Par contre, les manières de solliciter et de gérer les prises de paroles des élèves sont elles nettement polarisées.

D’un côté, le cours dialogué est synonyme de grande liberté dans la prise de parole des élèves. Ceux-ci peuvent intervenir quand bon leur semble, et surtout sous la forme qu’ils souhaitent. Avec comme conséquence mécanique des échanges à la fois courts et peu coordonnés. Chaque élève ne répond la plupart du temps qu’une fois, sur un point précis, et doit ensuite laisser la parole aux autres élèves qui manifestent également l’envie d’intervenir. Dans ce type de pratique du cours dialogué, les questions de l’enseignant sont de « courte portée » : les réponses attendues et effectivement données sont souvent limitées à un mot. Cette forme de l’échange favorise chez les élèves l’adoption d’une attitude de réponse à une « devinette » : peu importe la pertinence de la réponse, l’important est de « participer ».

Enseignant : oui, c’est une tendance, mais le capitaliste il cherche à se rattraper comment ? Il voit que ça baisse, alors qu’est ce qu’il cherche à faire là ?
Elève 1 : Il va diminuer ses prix.
Enseignant : alors non, peut-être pas diminuer ses prix, il va diminuer quoi surtout ? Il va plutôt diminuer les salaires. Donc baisse tendancielle du taux de profit, il va plutôt essayer de se rattraper en diminuant les salaires. Hein, mais ça va pas forcément marcher, en tout cas un certain temps…
Elève 2 : la baisse des salaires…
(…)
Enseignant : donc finalement, si on tire une conclusion, qu’est ce qu’on peut dire ? au niveau des contradictions du système. Vous vous souvenez que pour Marx, il y des contradictions sociales, qui se retrouvent aussi dans le fonctionnement économique. C’est la contradiction entre quoi et quoi ?
Elève 1 : capital..
Elève 3 : et travail
(…) Plus tard dans la séance est abordée la question des classes sociales chez Marx.
Elève 4 : leurs intérêts ?
Enseignant : leurs intérêts opposés, pourquoi ils sont opposés leurs intérêts ? Parce qu’ils occupent…
Elève 4 : une place
Enseignant : oui une place différente dans quoi ?
Elève 5 : la hiérarchie ?
Enseignant : dans les rapports sociaux de production d’accord ? Donc le premier critère, c’est la position dans le système économique. Les classes sociales occupent des positions différentes, hein, dans les rapports sociaux de production. Le premier critère, c’est la position dans le système économique, les classes occupent des positions différentes dans les rapports sociaux de production. On appelle ça comment ? C’est quoi le concept ? On a fait ça en tronc commun, jeudi ? C’est la classe…
Elève 6 : pour ?
Enseignant : non c’est pas pour, c’est en soi. …

Cette première manière de mettre en place le cours dialogué consiste au fond à favoriser une prise de parole tous azimuts, quelle que soit sa forme et son contenu. Les élèves parlent souvent en même temps, le cours suit parfois des méandres au gré des interventions des élèves. On pourra qualifier cette première façon de traduire l’injonction au cours dialogué d’activisme langagier, au sens où ce qui est visé avant tout est la participation des élèves, indépendamment des conséquences sur le déroulement cognitif de la séance de cours.

La deuxième manière de mettre en place le cours dialogué consiste à contrôler beaucoup plus étroitement les prises de parole des élèves. Souvent ceux-ci doivent lever le doigt pour prendre la parole, patienter parfois avant de répondre et surtout en règle générale préparer leurs réponses, comme c’est le cas dans l’extrait suivant tiré de l’observation d’une classe de seconde.

Enseignant : Donc Élodie d’abord et Damien ensuite.(…) Bon alors, je vais prendre ta réponse Dalina mais avant il y a avait Damien qui avait levé le doigt…
Les élèves proposent des réponses à la question de l’enseignant
Enseignant : alors pas tous à la fois, tu nous fais une phrase
Dalina : parce que en fait, pour… les entreprises doivent se reconvertir pour que leur entreprise soit plus écologique, donc… voilà
Enseignant : D’accord, donc on va parler de moyens financiers. Quel est le terme qu’il faut employer si il faut transformer les bâtiments, mettre en place des filtres pour les fumées etc… comment est-ce qu’on, quel est le terme qui désigne le fait de dépenser de l’argent pour faire cela ?
Plusieurs élèves : investir

Ce souci du respect d’une forme de ritualisme scolaire, outre sa fonction évidente de contrôle de l’interaction, a manifestement également pour objectif cognitif d’obliger les élèves à réfléchir au fond et à la forme de leur réponse. On voit nettement transparaître ce souci de la qualité des réponses données par les élèves dans la séquence précédente. L’enseignant fait travailler les élèves sur les termes et notions utilisés (« quel est le terme qui désigne le fait de dépenser de l’argent pour faire ça ? »), et demande dans la suite de l’échange aux élèves de corriger leur utilisation impropre du vocabulaire économique et/ou sociologique.

Enseignant : très bien, elle peut gagner en compétitivité en matière de réputation, en matière d’image c’est à dire elle peut attirer les consommateurs malgré les prix plus élevés, à cause de l’image et de la réputation, c’est à dire séduire des consommateurs qui soient sensibles au respect de l’environnement, au fait que l’entreprise importe des produits semi-finis qui ne soient pas faits par des enfants etc… D’autres remarques ?
E : ben on avait dit aussi que les ouvriers étaient aussi …
Enseignant : alors pas ouvrier.
E : les employés..
Enseignant : non pas employé non plus ça ce sont des catégories précises..
E : les salariés
Enseignant : oui les salariés

Cette manière de traduire l’injonction au cours dialogué diffère nettement de la première. La participation des élèves n’est pas un but en soi mais a pour fonction première l’apprentissage. Dans ce cas de figure les enseignants n’hésitent pas à refuser la participation des élèves lorsqu’elle menace la viabilité cognitive de l’interaction. En règle générale, cette pratique du cours dialogué tend à entraîner des réponses plus longues et plus argumentées de la part des élèves. A l’inverse de l’activisme langagier, l’objectif du cours dialogué n’est pas uniquement la participation des élèves. L’échange en classe vise également une mise en activité intellectuelle des élèves.

3. La circulation des savoirs en classe

3.1. Un enseignement construit autour de questions sociales « vives »

L’enseignement des SES puise ses références dans plusieurs disciplines universitaires : essentiellement l’économie, la sociologie et dans une moindre mesure la science politique. Cependant le contenu d’enseignement ne se résume pas à une pure transposition didactique de ces disciplines universitaires . En effet, les concepteurs des premiers programmes d’enseignement des SES, proches de l’école des Annales, ont voulu créer un enseignement de sciences sociales construits autour du croisement de plusieurs disciplines (économie, sociologie, démographie, histoire) sur un même objet (Chatel et al, 1990). Ce projet d’enseignement initial sera par la suite remodelé, amendé, pour déboucher sur une perspective plus « conforme » au découpage disciplinaire actuel de l’université : une partie des programmes d’enseignement est d’inspiration économique et l’autre d’inspiration sociologique. Malgré tout, ce curriculum reste construit sur l’idée que l’enseignement des SES est moins une propédeutique aux savoirs universitaires qu’un enseignement des enjeux sociaux et économiques du monde contemporain. La discipline SES est ainsi le produit d’une transposition « hétéroclite » de certains savoirs de référence universitaires qui sont ensuite recomposés à partir de « questions vives » socialement constituées, telles que le chômage ou la globalisation de l’économie.

3.2. Dans les classes faibles : la confusion des registres de savoirs

Du fait de cette construction disciplinaire, trois grands registres de savoirs circulent en classe de SES : des savoirs scolaires, des savoirs « politiques » et des savoirs d’expériences. En effet, puisqu’il vise avant tout la compréhension des enjeux économiques et sociaux, la mise en œuvre du curriculum scolaire débouche facilement en classe sur des questions touchant directement au champ politique. En favorisant par ailleurs la participation des élèves sur des sujets qui les touchent directement, les pratiques d’enseignement font également souvent appel ou écho aux savoirs d’expérience des élèves. L’enseignement des SES prescrit précisément cette circulation entre les registres de savoir. Convoquer les savoirs d’expérience à titre d’exemple ou d’illustration est pensé comme un bon moyen pour « intéresser » les élèves et les faire entrer dans l’univers propre des savoirs scolaires.

Dans les classes faibles, ces trois types de savoirs circulent dans l’interaction de manière parfois complètement enchevêtrée. S’il impulse dans l’interaction une logique de savoirs scolaires, l’enseignant peut à certains moments faire un détour ou aboutir aux enjeux politiques inhérents à ces savoirs ou puiser, à travers l’exemple concret notamment, dans le registre de l’expérience. L’élève quant à lui peut faire le même chemin. Dans les classes de faible niveau scolaire, c’est d’ailleurs de manière prédominante à partir des savoirs de son expérience sociale qu’il va nourrir l’interaction. L’une des conséquences de ce jeu à trois bandes est bien qu’il porte les germes d’une confusion sur ces registres de savoirs, et l’enjeu majeur du procès scolaire - tout particulièrement dans ces classes de faible niveau scolaire - est d’arriver à remettre chacun des savoirs à sa place.

La confusion sur ces registres de savoir laisse en effet courir le risque du malentendu sur la nature des savoirs scolaires. Dans les interactions cognitives où règne une confusion entre les registres de savoirs, c’est en définitive le statut du savoir scolaire qui est parfois mis sur la sellette. Autant les deux autres types de savoirs ne sont pas immédiatement soumis à une exigence de « vérité » (chacun est libre de penser ce qu’il veut du monde social et d’adopter telle ou telle posture politique), autant le savoir scolaire est soumis à une normativité, une pertinence détachée de la personne qui l’énonce. Reconnaître la « vérité » des savoirs scolaires d’un point de vue épistémologique est le préalable à tout apprentissage, et partant à toute critique de ces savoirs sur un plan intellectuel et scriptural. Les travaux sur l’apprentissage montrent que le rapport aux savoirs des élèves en difficulté scolaire tend à relativiser les savoirs scolaires au nom d’une « vérité » de l’expérience et que cette attitude empêche précisément d’entrer dans une posture d’apprentissage (Bautier et Rochex, 1998).

3.3. Comment gérer le débat social en classe ?

De fait, dans les classes faibles, il n’est pas rare que les débats qui surgissent en classe au détour d’un point du programme tournent à l’affrontement d’arguments issus de l’expérience des élèves et fassent courir le risque de réduire les savoirs en SES à de purs jugements de valeurs. Lorsque leur niveau scolaire est faible, les élèves impliqués dans ces débats alimentent l’interaction scolaire quasi exclusivement à partir de leur savoir d’expérience. Les enseignants, garants des savoirs scolaires, sont, dans ces situations, tenus de réagir. De leur attitude dépend effectivement souvent l’issue cognitive de ces débats, en particulier en ce qui concerne le statut des savoirs circulant dans l’interaction. Tout comme les façons de faire du cours dialogué, les pratiques de gestion du débat social en classe sont nettement polarisées.

La première façon de gérer le débat social en classe consiste à euphémiser l’asymétrie entre les savoirs scolaires portés par l’enseignant et les savoirs sociaux que les élèves engagent dans le débat. L’exemple suivant est très significatif de cette pratique enseignante.

Nous sommes en classe de terminale dans un lycée populaire de la région parisienne. Le cours porte sur les mutations du travail. Après en avoir présenté les grandes lignes (montée du chômage, déstabilisation du salariat etc…), l’enseignant aborde plus spécifiquement la question de la « crise » de la classe ouvrière, en prenant comme indice de ce phénomène le fait que les enfants d’ouvriers rejettent la condition ouvrière. Parce que les élèves se sentent concernés par ce sujet - la plupart d’entre eux sont des enfants d’ouvriers - s’ouvre un débat intense en classe entre les tenants de la « crise » chez les jeunes et ses détracteurs. Très rapidement ce débat tourne à la cacophonie : chacun fait valoir ses arguments en même temps. L’enseignant tente d’intervenir en prenant appui sur certains propos tenus par les élèves qui défendent l’idée d’une « crise » chez les enfants d’ouvriers. Intervient alors Samira qui propose une vision optimiste de la situation des enfants d’ouvriers et récuse donc le fait qu’il y ait crise. Un échange s’installe alors entre l’enseignant et Samira, dont voici la teneur.

Samira : mais c’est différent d’avant, c’est normal… c’est plus la même époque….
Enseignant : chut…. donc aujourd’hui on a du mal à se référer à l’univers du travail…
Samira : non moi je suis pas d’accord, c’est pas la même chose c’est tout, ça évolue…
Enseignant : mais c’est donc bien une crise identitaire…
Samira : ben pas forcément parce que ça va peut être amener une autre génération, on va arriver à peut-être autre chose…
Enseignant : oui peut-être, tu veux dire qu’il y a une transformation…
Samira : oui voilà, pas une crise identitaire réelle, une transformation….
Enseignant : peut-être… moi je pense que cette transformation elle peut amener une crise d’identité….
Samira : ben non, on arrive à une nouvelle identité. Il n’y a pas de crise….
Enseignant : chut, ce qu’on peut dire… c’est que les enfants d’ouvriers ont du mal à s’identifier à l’univers ouvrier de leurs parents, ils ont du mal à s’y référer… (il dicte cette phrase en la répétant). Alors tu peux avoir une vision optimiste, comme Samira et considérer que c’est une transformation, c’est vrai, des métiers etc.… c’est vrai, mais en même temps moi je persiste à dire que ça contribue à une crise de l’identité, des jeunes etc., c’est aussi une crise…
Samira :Je ne vois pas pourquoi il y aurait une crise.
Enseignant : tu te définis de plus en plus comme un individu, de moins en moins comme appartenant à une classe sociale
Samira : ouais ben justement, c’est différent, ça va pas forcément donner une crise….Je vois pas pourquoi il y aurait une crise
Enseignant : mais non si tu veux… Samira, là c’est le cours sur la naissance de l’individu, là on a un exemple typique de… Donc voilà, ce qu’on peut dire, c’est effectivement très intéressant ce que tu dis. On se réfère de moins en moins à une appartenance de classe, à une appartenance collective, et de plus en plus à soi même, à l’individu, à sa propre trajectoire etc… Donc ce qu’on peut remarquer… oui ? Voilà vous marquez ça.

On assiste dans cet extrait à une réduction forte de l’asymétrie entre savoirs sociaux des élèves et savoirs scolaires portés par l’enseignant, par exemple lorsque l’enseignant dit : « moi je pense que cette transformation elle peut amener une crise d’identité ». La manière de tourner la phrase laisse penser que c’est « lui » qui pense que, et non un ensemble de savoirs, de théories et/ou de faits dont on pourrait déduire que les transformations de la classe ouvrière amènent une crise de sa reproduction. Au fond, dans ce moment de circulation intense des savoirs dans l’interaction, l’enseignant décroche de sa posture de « savant » pour devenir, à l’instar des élèves, « quelqu’un qui pense que », et se place de ce fait sur un pied d’égalité avec les élèves. A la fin de l’échange, il donne d’ailleurs un quasi satisfecit à Samira pour ses développements, sans véritablement remettre en perspective ses propos. Le débat social n’a dans cet extrait ni été tranché ni surtout mis en perspective par un retour aux savoirs scolaires. Chaque élève, Samira tout particulièrement, est donc en droit de considérer que ce qu’il pense personnellement de la crise de la classe ouvrière peut être mis sur le même plan que des assertions issues des savoirs scolaires.

A l’inverse, dans ce genre de situations, certaines pratiques enseignantes visent à rétablir le statut des différents savoirs circulant en classe. C’est le cas dans l’exemple suivant tiré d’une observation en classe de seconde dans un lycée populaire. Le cours porte sur les différences de consommation culturelle selon les PCS. Alors que l’ensemble de la classe cherche une explication au fait que les cadres passent beaucoup plus de temps dans les musées que les agriculteurs, un débat éclate entre Elodie, fille d’ouvrière, et Antoine, fils de cadre, à propos précisément de la pénibilité du travail pour les cadres et les ouvriers.

Elodie : moi je ne suis pas d’accord parce que les cadres, ils sont derrière un bureau, devant leur machine, mais un ouvrier il est peut-être mal payé par son patron et c’est moral et c’est physique…
Antoine : oui mais l’ouvrier c’est pas son propre patron
Elodie : non je ne suis pas d’accord mais l’ouvrier c’est physique en plus. Enfin je trouve que… (un peu énervée)
Enseignant : enfin le stress des responsabilités d’un cadre ça a des répercussions aussi
Elodie : oui je suis bien d’accord mais c’est pas la même chose… tu travailles à la chaîne… 25 ans à la chaîne t’es plus fatigué que quelqu’un qui travaille dans un bureau…
Antoine : et ben je suis pas sûr…
Des élèves protestent contre les propos d’Antoine
Antoine : d’accord, d’accord, mais le cadre il a ses objectifs à faire… L’ouvrier il a son salaire fixe, il fait son travail et c’est terminé, il est sûr d’avoir un salaire, le cadre….Attends mon père il a rien en fixe, si il fait pas ses objectifs il touche rien.
Elodie : ben il se fait arnaquer ton père…
Antoine : attend s’il te plait, mon père si il travaille pas il a pas de salaire hein…
Elodie : ben c’est logique hein… ma mère aussi

Le débat engagé est particulièrement soutenu. Antoine et Elodie en viennent à évoquer leur situation personnelle. La situation est délicate pour l’enseignant qui jusque là s’était gardé d’intervenir : comment faire pour clore ce débat sans faire perdre la face aux protagonistes du débat ? Comment amorcer en d’autres termes un retour vers les savoirs scolaires et leur normativité qui ne soit pas synonyme d’un désaveu trop cinglant des uns ou des autres ? Voici la façon dont l’enseignant a choisi de répondre en situation à ces questions.

Enseignant : On va reprendre un peu. Alors ce qu’il faut déjà constater c’est qu’il faut dépassionner un peu la question, et autant les expériences personnelles peuvent être utilisées pour apporter des éléments, autant il ne faut pas rester bloqué sur son vécu personnel. Parce qu’on va tous se trouver affrontés entre fils d’ouvriers, d’agriculteurs, de cadres etc à comparer des situations personnelles. Et que faire de la sociologie, c’est pas justement uniquement regarder son expérience personnelle, mais voir, prendre du recul et essayer d’analyser les choses objectivement. Il s’agit pas de savoir qui sont les plus malheureux, les plus heureux, les pères qui ont le plus de difficulté dans leur travail, d’accord. Donc on va essayer de repartir en étant un petit peu plus objectif. Concernant la partie physique du travail, il est certain que le travail des ouvriers est un travail plus physique, plus debout, à la chaîne etc… mais que les contraintes psychologiques du travail d’un cadre peuvent avoir des répercussions physiques également, d’accord. Donc pour le physique on peut pas dire que c’est uniquement une catégorie qui a un travail physique et que l’autre est uniquement derrière son bureau (…) Alors ceci étant dit, si vous regardez l’espérance de vie et les taux de mortalité en fonction des catégories sociales il y a des inégalités et ceux qui ont les espérances de vie les plus courtes ça reste la classe ouvrière. C’est lié aux conditions de travail, mais aussi aux conditions de vie, aux conditions de revenu qui permettent l’accès aux soins, aux médecins etc…

La façon de gérer l’irruption du débat social en classe est ici bien différente de celle de l’exemple précédent. De manière significative, l’enseignant ne participe pas à l’échange âpre entre Elodie et Antoine, signifiant par là à tout le monde que cet épisode se situe en dehors du déroulement du cours. De plus, la fin de ce débat est parfaitement visible : l’enseignant reprend longuement la parole pour signifier le terme de cet échange et insiste à cette occasion sur la différence entre donner une opinion et faire de la sociologie (« faire de la sociologie, ce n’est pas justement uniquement regarder son expérience personnelle, mais voir, prendre du recul et essayer d’analyser les choses objectivement »). Le registre de savoirs avec lequel celui-ci met un terme à l’échange est également important. Pour sortir de cet affrontement, il se place très nettement sur le registre des savoirs scolaires, en l’occurrence ici la différence d’espérance de vie entre les différents milieux sociaux. Il utilise à dessein un savoir « objectivé » qui lui permet de déplacer la question débattue sur un plan moins affectif. Il devient plus difficile pour les élèves de confondre les différents registres de savoirs qui ont circulé dans l’interaction, le risque en tout cas en a été sensiblement réduit. Le débat social est dépassé par l’ajout par l’enseignant d’un élément nouveau du savoir scolaire. La légitimité de ce dernier n’est pas remise en cause par le déroulement de l’interaction scolaire.

4. Une polarisation des comportements enseignants

L’observation des pratiques enseignantes sur les deux registres définis ci-dessus fait émerger à chaque fois deux manières de prendre en charge les injonctions pédagogiques de la discipline « SES ». Il reste maintenant à déterminer si chaque pratique décrite de manière idéale-typique peut être assignée, au moins tendanciellement, à tel enseignant plutôt qu’à un autre, ou si au contraire selon les contextes, les situations, chaque enseignant puise à l’une ou l’autre des manières de faire. Cette question en recouvre en fait deux. Premièrement, est-il possible de classer chaque enseignant sur chacune des deux dimensions envisagées ? Deuxièmement, y-a-t-il un lien entre les positions adoptées sur ces deux dimensions, au point que le fait de se situer sur un pôle donné à propos du cours dialogué conduit à prendre en charge le débat social d’une façon donnée ?

Les questions posées ici renvoient pour une part à la problématique des typologies enseignantes. En effet, au cours des années soixante-dix et quatre vingt, le métier enseignant a souvent été appréhendé par le biais d’analyses typologiques. Les résultats obtenus suggéraient de grandes cohérences internes dans les types obtenus, dépassant d’ailleurs souvent le strict registre des pratiques pour englober dans de grandes catégories tant les postures éthiques et politiques que les pratiques elles-mêmes. Ces études étaient cependant surtout menées à partir du recueil des discours des enquêtés et tendaient donc de fait plutôt à postuler qu’à montrer la cohérence interne des pratiques enseignantes . Et si l’on retient les travaux de cette époque basés sur une observation attentive des pratiques enseignantes dans le secondaire, ils plaident tous pour une homogénéité suffisante des pratiques permettant d’élaborer des types enseignants (Demailly, 1984 ; Isambert-Jamati, 1995). C’est bien cette question qu’il convient ici de traiter à nouveaux frais.

Le premier indicateur concernant la manière de mettre en place du cours dialogué est délicat à manier. Selon les points du programme traités, le moment dans l’année ou le niveau d’enseignement, ou même le « climat » de la classe, l’instauration d’une mise en activité intellectuelle est plus ou moins aisée. Il est clair que le comportement d’un enseignant à propos du cours dialogué peut varier selon ces contextes. On peut malgré tout considérer que ces deux façons typiques de traduire l’injonction au cours dialogué clivent les enseignants observés. Car c’est précisément dans les classes faibles que les différences entre enseignants deviennent particulièrement visibles : certains d’entre eux cherchent dans ces contextes à maintenir une participation des élèves qui garde un intérêt cognitif, les autres tendent à la remplacer par une participation pour elle-même, qui donne au mieux l’impression que tout le monde suit le cours. Plus précisément, sur les six enseignants observés sur une longue durée et de manière répétée, trois se situent sur le premier pôle (« mise en activité intellectuelle ») et trois sur le second (« activisme langagier »).

La manière de gérer l’irruption du débat social concerne des moments précis et délimités de l’interaction scolaire, ce qui rend ce second indicateur plus facile à manier. Chaque enseignant observé a été confronté à plusieurs épisodes d’irruptions du débat social qu’il a donc dû gérer. A la lumière de ces observations se dégage là aussi une polarisation des comportements enseignants. Certains tentent plus souvent que d’autres à « sortir » de ces débats sociaux en retrouvant le plancher des savoirs scolaires. Cette seconde ligne de polarisation rejoint la première. Sur les six enseignants observés sur les deux indicateurs de pratiques, deux pôles d’égale importance se dégagent : des enseignants qui essaient plus souvent de mettre en activité intellectuelle les élèves lors des échanges en classe et qui lors des débats sociaux en classe ramènent la circulation des savoirs vers la normativité des savoirs scolaires. D’autres qui dans ce même contexte traduisent dans les classes faibles l’injonction au cours dialogué par la mise en place d’un activisme langagier des élèves et qui lors de l’irruption de débats sociaux en classe réduisent l’asymétrie entre les savoirs scolaires et les savoirs sociaux. En d’autres termes, dès l’entrée dans le métier, les comportements enseignants consistant à traduire les deux grands principes disciplinaires des SES dans les classes faibles sont polarisés et cohérents.

Affirmer cela n’implique pas que le vaste ensemble du répertoire des pratiques professionnelles des nouveaux enseignants soit entièrement cohérent pour chaque enseignant, encore moins que discours professionnels et pratiques d’enseignement soient intégrés et susceptibles d’être décrits sous la forme de grands « types enseignants » uniformes et intégrés (comme on le verra plus loin). Anne Barrère insiste d’ailleurs sur l’absence de cohérence d’ensemble des pratiques, postures et discours professionnels montrant comment les routines professionnelles des enseignants sont aujourd’hui incertaines (Barrère, 2002). Mais cela n’est pas contradictoire avec le fait qu’en définissant précisément des indicateurs de pratiques sur un aspect délimité du métier on puisse relever une relative stabilité des pratiques enseignantes permettant de polariser sur cet aspect les comportements enseignants.

5. La genèse des pratiques enseignantes

5.1. L’importance de la trajectoire d’accès au métier

Comment rendre compte du ou des processus amenant dès l’entrée dans le métier une différenciation des pratiques enseignantes ? Ces différences peuvent dans un premier temps être référées à des divergences explicites de définition du métier enseignant. A une définition du métier correspondrait une façon de le pratiquer. Ces différences de pratiques enseignantes étant repérées dès l’entrée dans le métier, on peut également poser comme hypothèse qu’elles doivent quelque chose aux variations dans les trajectoires d’accès au métier.

Regardons dans un premier temps du côté des clivages aujourd’hui prégnants chez les enseignants du secondaire dans leur définition du métier. Les enseignants du secondaire s’opposent nettement sur deux plans au moins : leur rapport politique à la massification scolaire d’une part, leur rapport pédagogique à l’activité enseignante d’autre part (Deauvieau, 2004b). Le rapport politique à la massification oppose les partisans d’une scolarité longue pour tous défendant l’idée d’un collège unique à ceux qui souhaitent revenir à une orientation plus précoce et différenciée des élèves. Le rapport pédagogique à l’activité enseignante oppose les enseignants « novateurs », ceux qui se déclarent mobilisés face à la difficulté scolaire des élèves et qui sont les tenants de l’innovation pédagogique, à ceux qui se déclarent hostiles ou au moins sceptiques face aux innovations pédagogiques. Ces clivages ne sont pas nouveaux. Les oppositions entre des enseignants « novateurs » et « traditionnels » dans leur conception pédagogique et entre les « conservateurs » et les « progressistes » face à l’évolution des structures scolaires sont au moins aussi anciennes que le processus de massification scolaire lui-même . Néanmoins, ces oppositions s’aiguisent aujourd’hui au moment où la remise en cause du processus historique d’allongement des scolarités est clairement d’actualité.

Les nouveaux enseignants de SES s’inscrivent eux aussi, certes selon des modalités spécifiques, au sein de ces oppositions. Certains sont des militants de la démocratisation scolaire et se posent en défenseurs du collège unique, d’autres s’interrogent sur l’opportunité de « laisser passer » tout le monde au lycée, même les « élèves qui ont de grosses lacunes ». Certains se vivent comme des enseignants novateurs de leur discipline et des militants pédagogiques, d’autres sont plus que réservés face aux « discours pédagogistes ». Pourtant, comme l’indique le tableau récapitulatif des enseignants observés, ces oppositions relativement tranchées ne se reflètent pas directement dans la polarisation des pratiques pédagogiques dans les classes difficiles mise en évidence au-dessus. En d’autres termes, les positionnements face à l’allongement des scolarités comme face au discours pédagogique ne préjugeraient pas des comportements en classe.

C’est probablement plutôt du côté de la trajectoire d’accès au métier qu’il faut chercher l’explication des polarisations observées. Historiquement, les enseignants du secondaire le sont devenus pour une bonne part par attachement à une discipline universitaire. Toutes générations confondues, une majorité d’enseignants déclare avoir décidé de se former à l’université par attachement à une discipline, un bon tiers d’entre eux déclare être devenu enseignant parce que c’était le débouché « naturel » de leurs études ou parce que ce métier permettait de continuer à pratiquer une discipline universitaire . L’investigation auprès des nouvelles générations d’enseignants nous apprend qu’au cœur de la logique d’accès au métier se loge toujours cet attachement à une discipline universitaire. En effet, on observe d’une part que parmi les sortants de ces dernières années du système éducatif, les futurs enseignants du secondaire se recrutent parmi ceux qui ont noué un rapport étroit à la discipline universitaire étudiée (Deauvieau, 2005a) ; d’autre part que les récits des trajectoires universitaires des nouveaux enseignants laissent effectivement tous apparaître un attachement plus ou moins marqué pour une discipline universitaire.

Les nouveaux enseignants de SES font partie de ceux qui ont un rapport particulièrement élevé à la (ou les) discipline(s) pratiquées à l’université . Chaque récit de trajectoire scolaire et universitaire fait apparaître un moment très repérable dans la biographie où l’étudiant noue un rapport étroit au savoir savant. Ce moment est raconté sur le mode d’une « rencontre » avec une discipline universitaire qui marque profondément la biographie des intéressés : c’est en effet à partir de cette date que les questions intellectuelles sont fortement investies et deviennent une préoccupation personnelle. Sa place dans la trajectoire diffère cependant nettement d’un enseignant à l’autre. Schématiquement, on trouve à un pôle les enseignants qui entretiennent un rapport étroit au savoir savant dès leur entrée dans l’enseignement supérieur, à l’autre pôle ceux qui ont noué ce rapport étroit au savoir beaucoup plus tardivement, parfois seulement lors de l’année de préparation du concours de recrutement.

Tableau récapitulatif des positionnements et pratiques des nouveaux enseignants de SES observés

Polarisation des pratiques : Moment dans la biographie où se noue un rapport étroit au savoir savant Positionnement face à la massification scolaire. Positionnement face au discours pédagogique :
Enseignant 1 activisme langagier et valorisation savoirs sociaux préparation au concours de recrutement défenseur du collège unique « Pédagogiste »
Enseignant 2 activisme langagier et valorisation savoirs sociaux préparation au concours mise en doute du collège unique « Pédagogiste »
Enseignant 3 activisme langagier et valorisation savoirs sociaux Entrée en thèse défenseur du collège unique « non pédagogiste »
Enseignant 4 mise en activité intellectuelle et retour savoirs scolaires fin du secondaire mise en doute du collège unique « non pédagogiste »
Enseignant 5 mise en activité intellectuelle et retour savoirs scolaires entrée dans le supérieur défenseur du collège unique « Pédagogiste »
Enseignant 6 mise en activité intellectuelle et retour savoirs scolaires entrée dans le supérieur défenseur du collège unique « non pédagogiste »

Parmi les enseignants observés, le type de trajectoire d’accès au métier semble recouper la polarisation observée des comportements en classe. Ainsi les enseignants 1, 2 et 3, appartenant au premier pôle, ont noué un rapport étroit au savoir savant finalement assez tardif dans leur biographie universitaire, un peu avant ou au moment de préparer le concours de recrutement. Les enseignants 4, 5 et 6 du second pôle ont noué un rapport étroit au savoir savant dès leur entrée dans le supérieur. De l’ancienneté du rapport au savoir savant semble donc dépendre pour une part les pratiques en classe à l’entrée dans le métier. En l’occurrence, les enseignants qui ont développé le plus tôt dans leur biographie un rapport étroit au savoir savant sont ceux qui ont tendance à traduire l’injonction au cours dialogué par une mise en activité intellectuelle et qui, lors de l’irruption du débat social en classe, tendent à ramener les questions discutées vers les savoirs scolaires.

5.2. Rapport au savoir, incertitude professionnelle et injonction pédagogique

Si l’on admet que la trajectoire universitaire d’accès au métier est pour quelque chose dans la façon dont les enseignants prennent en charge les injonctions disciplinaires, il reste cependant à saisir le ou les mécanismes à l’œuvre. La faiblesse de l’échantillon observé ne permet pas ici d’avancer aussi sûrement qu’on le voudrait une explication. On peut malgré tout risquer l’interprétation en proposant une hypothèse vraisemblable parce que cohérente avec la situation actuelle du monde enseignant. En effet, comprendre l’incidence du rapport au savoir des enseignants sur les pratiques exige de prendre du recul en inscrivant ces pratiques dans le contexte plus général de déstabilisation du métier enseignant.

Dès l’ouverture du système éducatif et singulièrement depuis la « seconde explosion scolaire », le corps enseignant est déstabilisé dans la pratique quotidienne du métier. L’arrivée des « nouveaux publics » pose questions, tout particulièrement celle de la gestion de la difficulté scolaire. En 1996, à la fin de cette « seconde explosion scolaire » qui correspond à l’arrivée de la majorité des élèves jusqu’au terme de l’enseignement secondaire, six enseignants sur dix déclarent ne pas maîtriser les dimensions les plus essentielles de l’interaction scolaire : les procédures de repérage et de traitement des difficultés scolaires, la manière de gérer le groupe classe, les moyens de comprendre l’évolution psychologique et cognitive des élèves . Les enseignants entrant aujourd’hui dans le métier sont directement confrontés à cette incertitude professionnelle, d’autant qu’ils sont tendanciellement affectés dans les établissements les plus difficiles. Se pose dès lors de manière évidente la question des ressources sur lesquelles ces nouveaux enseignants sont susceptibles de s’appuyer pour négocier le « turning point » de l’entrée dans le métier (Hughes, 1996).

Cette question des ressources des nouveaux enseignants peut être envisagée sous l’angle de la constitution du savoir professionnel à l’entrée dans le métier : avec quels savoirs relatifs à l’activité enseignante en classe les professeurs débutants abordent-ils le métier ? Sur la base de l’observation des enseignants au travail, on peut déduire que l’activité enseignante nécessite la mobilisation de trois grands registres de savoirs : un savoir savant, un savoir curriculaire , et un savoir « réflexif » sur la transmission des connaissances. Le savoir savant est nécessaire puisque l’enseignement secondaire est découpé en disciplines scolaires qui se réfèrent peu ou prou à un savoir universitaire. Il n’est cependant pas suffisant. Organisé en discipline d’enseignement régie par un programme et des instructions officielles, l’enseignement dans le secondaire nécessite l’appropriation de ces documents qui constituent le savoir proprement curriculaire. Enfin, si ces deux registres de savoir constituent la base de l’activité enseignante dans le secondaire, un troisième registre de savoir s’avère souvent nécessaire, tout particulièrement dans le contexte actuel : le savoir sur la transmission des connaissances. Ce registre de savoir est celui dont la mobilisation permet la réflexion sur l’ensemble du processus d’enseignement et d’apprentissage, de la forme de la transposition didactique jusqu’à la gestion d’une interaction cognitive. Ces trois registres de savoir sont transmis et appropriés à l’entrée dans le métier selon des modalités propres.

La transmission du savoir savant se réalise à l’université. Les enseignants du secondaire aujourd’hui en poste ont un niveau de diplôme souvent supérieur à la licence et passent souvent plus de cinq années à l’université . Le concours de recrutement, basé pour l’essentiel sur l’évaluation de la maîtrise de ce savoir savant, représente le couronnement de ce long parcours d’apprentissage. Il s’agit par excellence d’un mode d’apprentissage formalisé : lorsqu’ils acquièrent ces savoirs, les enseignants ne sont pas encore dans le métier. Le temps de l’apprentissage est ainsi clairement dissocié du « faire ». Les savoirs savants sont transmis sous une « forme scolaire » : dissociation de la pratique et de l’étude, apprentissage au sein d’une institution spécifique de diffusion des savoirs formalisés (université), évaluation périodique des acquis par le biais d’examens. Par ailleurs, les nouveaux enseignants ont un rapport étroit à ces savoirs savants puisque le cœur de la logique d’accès au métier est précisément la constitution d’un rapport élevé à la discipline universitaire : ce rapport élevé est ce qui pousse les étudiants vers la préparation du concours (sélection des appelés), et le principe central d’élection au concours de recrutement (sélection des élus).

Si le premier registre de savoir fait l’objet d’une transmission formalisée dans le temps long et d’une appropriation évidente de la part des enseignants du secondaire, il en va tout autrement pour les deux autres registres. Le savoir curriculaire comme le savoir « réflexif » sur la transmission des connaissances font l’objet d’une transmission dans le temps court, pour l’essentiel l’année de formation à l’IUFM. Les professeurs stagiaires apprennent pendant quelques heures en formation des bribes du savoir curriculaire et quelques notions de savoir sur la transmission, mais pour l’essentiel, ils « apprennent » ces savoirs en faisant, lors des stages d’enseignement. En sortant de formation, l’enseignant du secondaire n’est pas à proprement parlé un spécialiste du programme d’enseignement. Il n’en connaît souvent que les aspects qu’il a lui-même pratiqués au cours de cette année de stage. L’année suivante, en charge d’un programme d’enseignement plus étendu que ce qu’ils ont entrevu en formation à l’IUFM, les enseignants continuent à « apprendre » le savoir curriculaire comme le savoir réflexif sur l’enseignement au cours même de l’activité d’enseignement.

Le mode de constitution du savoir professionnel à l’entrée dans le métier montre qu’au-delà du savoir universitaire stricto sensu, la maîtrise des autres sphères du savoir professionnel est dans l’ensemble assez faible. Les nouveaux enseignants du secondaire ont une maîtrise « pratique », construite au cours du stage d’enseignement en IUFM, du savoir « curriculaire » et des questions relatives à la gestion de l’interaction cognitive au moment de leur titularisation. Il n’est dès lors pas étonnant que le rapport au savoir savant détermine les pratiques enseignantes à l’entrée dans le métier puisque cette dimension constitue de fait la seule ressource stable du savoir professionnel sur laquelle les enseignants peuvent s’appuyer pour faire face aux incertitudes du métier.

Les enseignants observés qui ont noué un rapport précoce au savoir savant ont probablement, au moment précis de l’entrée dans le métier, une maîtrise disciplinaire plus étendue que les autres qu’ils peuvent mobiliser pour faire face aux difficultés cognitives du métier. Ce que cette maîtrise disciplinaire conditionne, en tant que ressource, c’est également la manière de recevoir et traduire les injonctions pédagogiques et les principes curriculaires. Ces deux dimensions de la forme disciplinaire des SES ne peuvent en effet être considérées en l’état comme des « réponses » aux incertitudes de l’interaction scolaire dans les classes faibles. Il s’agit bien au contraire de questions posées à l’activité enseignante : faire participer les élèves en classe, oui, mais comment ? Faire circuler en classe des savoirs scolaires et des savoirs sociaux, oui, mais comment ? Les enseignants qui, à l’entrée dans le métier, ont le rapport au savoir savant le plus ancien et donc une maîtrise disciplinaire plus élevée sont les plus enclins à mettre en discussion dans leur activité d’enseignement ces principes disciplinaires, les autres y voient plutôt des prescriptions devant être appliquées en classe, sans forcément en envisager les conséquences dans l’interaction scolaire.

6. Conclusion

L’observation prolongée des comportements des enseignants en classe à partir de catégories d’analyses construites par l’observateur permet de mettre à jour des variations typiques des pratiques enseignantes. Cette approche du métier enseignant est la seule permettant d’atteindre ces variations, puisque les discours sur la pratique et les postures professionnelles ne clivent pas les enseignants selon les mêmes modalités que les pratiques en classe. Le cas des enseignants de SES examinés ici est de ce point de vue instructif. Bien que cette discipline soit très unifiée du point de vue du discours pédagogique et des injonctions qui en découlent, bien que les nouveaux enseignants soient globalement en phase avec ces injonctions, les variations des pratiques enseignantes en classe sont présentes dès l’entrée dans le métier, variations qui, d’ailleurs, bien que ce ne soit pas l’objet du présent article, ont très probablement des effets importants sur l’apprentissage des élèves. Dans ces conditions, observer les enseignants en classe renseigne autant sur les dynamiques du groupe professionnel, sur sa manière d’agir et de penser le métier dans un contexte de massification scolaire, que sur les effets des pratiques enseignantes sur l’apprentissage des élèves, réunissant dans un même mouvement d’analyse deux préoccupations relevant jusqu’ici de champ distincts de la sociologie : l’éducation et le travail.

La forme du rapport au savoir est maintenant bien repérée comme dimension structurante de l’activité d’apprentissage des élèves (Charlot, Bautier, Rochex, 1992). Nous soulignons ici à titre d’hypothèse que cette dimension peut être également mobilisée pour rendre compte des comportements enseignants : les variations de pratiques à l’entrée dans le métier peuvent en effet s’expliquer par l’ancienneté du moment où les enseignants ont noué un rapport étroit au savoir savant. Si cette dimension est si prégnante à l’entrée dans le métier, c’est bien parce que l’incertitude professionnelle relative à la gestion des classes faibles est si grande que le rapport au savoir constitue la seule ressource biographique mobilisable. Cette interprétation vaut ici pour le moment de l’entrée dans la carrière. Que se passe-t-il ensuite ? Les savoirs d’expériences élaborés au fil de la carrière, les différentes affectations ou toutes autres dimensions prennent-ils le pas sur le rapport au savoir comme matrice des comportements en classe ? D’autres investigations seraient nécessaires pour répondre à cette question. La poser permet néanmoins de souligner l’intérêt d’une réflexion sociologique sur le métier enseignant qui, à l’heure des nombreuses interrogations autour du système éducatif, prend pour objet la compréhension des pratiques enseignantes en classe qui constituent une pièce maîtresse du procès de socialisation scolaire.

Références bibliographiques

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