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Collège : ensemble pour reprendre la main sur le métier

mercredi 16 mai 2012, par Nicolas Kaczmarek

En 2011/2012 au Collège Gustave Courbet de Trappes, nous avons créé un « atelier pédagogique » ayant pour but de permettre aux enseignants d’échanger sur nos pratiques en classe.

Les quelques réunions du conseil pédagogique aux ordres du jour chargés et répondant aux préoccupations de la direction du collège ne constituent pas un cadre satisfaisant pour échanger sur nos pratiques. Nous avons voulu créer un espace d’échanges entre enseignants sans présence hiérarchique.

Cet atelier répondait au besoin de sortir du train-train des réunions exclusivement destinées à tenter de trouver d’hypothétiques recettes miracles face aux problèmes d’écarts de comportement de nos élèves. Le pari était qu’une bonne part des problèmes de comportement de nos élèves trouvaient leur racine dans leurs difficultés scolaires au collège, difficultés dont nos pratiques portent nécessairement une part de responsabilité.

Cette idée a émergé aussi dans le cadre des discussions syndicales autour du projet de réforme de la notation des enseignants. Il existait un consensus pour rejeter la notation par le chef d’établissement mais aussi pour dire que le système actuel d’inspection une fois tous les six ans en moyenne pendant une heure de cours par un inspecteur n’était pas satisfaisant. Pourtant, tous les collègues exprimaient leur nécessaire besoin de conseil et même leur devoir de rendre des comptes sur leur travail. Nous voulions voir s’il était possible de combler ce manque par cet atelier qui ne reposait pas sur l’observation par un supérieur hiérarchique.

C’est donc sur la base du volontariat, après les cours de 16h30 à 18h15, que nous nous sommes réunis.

Premier atelier

Nous étions 12. Cela peut paraître peu (il y a 35 collègues dans l’établissement), mais compte-tenu des contraintes de chacun, des nombreux collègues à cheval sur deux établissements, ce chiffre est satisfaisant et puis avec seulement 1h45 de réunion, nous aurions eu du mal à tous nous exprimer si nous avions été plus nombreux.

L’objectif était de faire un bilan préalable sur nos réels objectifs en tant qu’enseignants et les obstacles qui se dressent devant nous. Pour cela, les collègues étaient invités à réfléchir à ces questions :

- quels sont nos objectifs à long terme : que voulons-nous transmettre ou susciter chez nos élèves pour leur vie future ?


- nos objectifs à court terme : que voulons-nous obtenir de nos élèves en une heure de cours ?


- nos problèmes : qu’est ce qui nous empêche à Courbet d’atteindre nos objectifs à court ou long terme ? les "enjeux" du métier ?

Lors du premier atelier, nous étions donc douze enseignants, nous avons adopté la forme du Groupe d’interview mutuelle. [1] Par groupe de trois collègues de trois matières différentes, chaque collègue a pu pendant dix minutes répondre aux questions susmentionnées, les deux autres ayant pour rôle de le relancer pour l’aider à pousser sa réflexion. Cette organisation permet à tous de s’exprimer sans que quelques bons orateurs ou fortes personnalités ne monopolisent la parole comme c’est trop souvent le cas dans les réunions.

Au bout des 30 minutes chaque groupe a proposé à l’assemblée une restitution de ses échanges afin de mettre en commun l’état de la réflexion. Ce temps de réflexion a paru important à tous car finalement, personne ne nous demande jamais de réfléchir à la finalité de notre métier. Chacun a pu parler de sa conception du métier et découvrir celle de ses collègues.

La liste des obstacles à contourner pour améliorer notre pratique a permis de faire émerger les enjeux de l’exercice de notre métier dans les établissements difficiles. Certains sont évidents : l’hétérogénéité des élèves, l’absence de sens et de motivation chez les élèves, les lacunes accumulées dans le passé. Mais cette liste a permis aussi d’évoquer le problème des codes scolaires qui relèvent de l’implicite pour nous mais qui ne sont jamais explicités pour les élèves, le désintérêt progressif des élèves confrontés trop souvent à l’échec qu’entraînent nos pratiques...

A la fin de ce premier atelier d’une heure et demie, les collègues ont trouvé cette expérience enrichissante et ont exprimé le souhait de poursuivre. Nous avons proposé de nous revoir deux mois plus tard. En attendant, nous avons décidé de venir nous observer mutuellement lors de nos cours pour enrichir la réflexion.

Deuxième atelier

L’atelier suivant, deux mois plus tard, avait pour but ce coup-ci de lister nos réussites ou celles observées chez les collègues, pour les partager mais aussi pour nous rendre compte des problèmes qui sont pour l’heure sans solutions. Pendant ces deux mois beaucoup de collègues sont venus s’observer les uns les autres, ce qui fait que les discussions pédagogiques informelles ont été constantes pendant cette période et beaucoup ont trouvé ces échanges très enrichissants.

Nous avons repris le principe du Groupe d’interview mutuelle en demandant à chacun de nous livrer ce qu’il pense être les réussites, les « trucs » ou les réponses qui peuvent être opposées aux obstacles relevés à la fin du premier atelier.

Quelques exemples d’idées parmi celles qui ont émergé :

Face aux problèmes de « violence », de « chamaillerie » entre élèves qui polluent les cours :
- pour le professeur, repousser au maximum l’affrontement, recentrer l’élève sur le travail pour ne pas que le prof (et la classe donc) sorte du cours, s’économiser en attendant le silence.

Face à la lenteur de la mise au travail :
- établir un rituel complexe de chaque début de cours (entrée, inscrire la date, interrogation orale,...) qui pose et met les élèves dans une ambiance de travail.

Face aux lacunes des élèves :
- cibler les notions essentielles et insister dessus quitte à reprendre des bases mais ne pas lâcher sur ces quelques notions indispensables.
- Un objectif par séance clair et bien identifié d’entrée par les élèves.

Face à ce qui semble être un manque de motivation des élèves :
- viser l’implication des élèves par une expression personnelle (guidée pour rester dans l’activité pédagogique mais personnelle tout de même).
- multiplier les occasions de réussites pour redonner confiance aux élèves, montrer que les efforts et le travail paient pour casser la spirale de l’échec qui entraîne la démotivation.

Malgré ces idées, certains points méritent d’être approfondis : que faire face à des classes si hétérogènes ? Comment faire avec des élèves traînant tant de lacunes depuis le CP ? Comment les mettre en réussite sans baisser les exigences ?

A suivre

Pour continuer le travail, voilà les proposition de poursuite de travail qui ont été formulées :
- prolonger et amplifier les observations mutuelles entre enseignants. Afin de guider ces observations, établir une grille d’observation pour cibler les « enjeux » importants.
- proposer un questionnaire aux collègues qui n’ont pas assisté aux ateliers afin de les sonder et de les faire participer à la réflexion pédagogique.
- poursuivre la réflexion pédagogique et didactique en organisant des discussions, travaux et expérimentations par matière entre collègues d’une même discipline. A charge pour ceux qui ont assisté aux ateliers d’organiser ces moments avec leurs collègues.
- constituer des groupes de collègues volontaires pour creuser un aspect des enjeux du métier évoqués à travers une recherche théorique, des lectures, des expérimentations avant d’en rendre compte à tous les collègues lors de prochains ateliers.
- élaborer une fiche pratique et réflexive à destination des collègues qui arriveront à la prochaine rentrée. Cette fiche serait présentée et explicitée lors d’une réunion d’accueil des nouveaux à la rentrée.

L’objectif est de pérenniser cet atelier, d’harmoniser nos pratiques, de susciter des discussions entre collègues d’une même matière... pour au final faire progresser davantage nos élèves et améliorer nos conditions de travail.


[1Pratique empruntée à la SCOP d’éducation populaire Le Pavé qui organise des stages de formation en éducation populaire : http://www.scoplepave.org/